Première sur Mirage IIIC, la 2ème Escadre de Chasse fut la dernière à toucher les nouveaux Mirage. C’est en septembre 1968 que les premiers IIIE sont affectés au 3/2 Alsace, puis l’escadron grossit pour permettre la transformation des cigognes, et enfin en février 1969, le 1/2 et le 3/2 sont indépendants avec chacun une dizaine de IIIE. La dotation complète de 15 avions sera atteinte en juin. Le 2/2 Côte d’Or restera lui sur IIIB, BE et IIIC.
Du fait de l’arrivée tardive des avions, peu de IIIE de Dijon seront visibles en livrée alu. Dès l’été 1969, les avions du 1/2 vont à Zara pour une campagne de tir canon air-air sur cibles Soulé (remorquées par des F-100), et en fin d’année, ce sont les pilotes de l’Alsace qui se qualifient au tir air-air et air-sol. Comme pour la 13 et la 3, les deux escadrons alternent dans leurs fonctions, l’un étant en phase « instruction » et l’autre en phase « tactique », c’est-à-dire en fonction opérationnelle. Les allocations d’heures de vol sont de 500 heures par mois ou plus, mais cette activité peut être dépassée sans contrainte.
La mission principale de la Deux est la « sûreté aérienne » et donc les pilotes sont plus entraînés à l’air-air : en 1970 ont lieu à Cazaux les premières campagnes de tir Matra 530 sur CT 20. A cette époque la menace principale est constituée par les bombardiers supersoniques haute altitude comme les Tu-22 Blinder, et les entraînements se font entre autres contre des Mirage IVA volant typiquement à 50 000 pieds et mach 1,6 ou 1,8.
Jusqu’à l’arrivée du F-1C, le IIIE est le meilleur intercepteur de l’Armée de l’Air : des échanges d’escadrons avec des Britanniques sur Lightning montrent bien que le Mirage surclasse l’intercepteur anglais, sauf en dessous de 15 000 pieds où la puissance du bimoteur peut faire la différence.
Les DACT contre les Starfighter tournent bien souvent à l’avantage du Mirage, puisque le F-104 vire à peine (il parvient par contre à rompre le combat grâce à son accélération).
Bien que la spécialité des escadrons de Dijon soit l’interception à haute altitude, ils ne parviennent pas toujours à intercepter les intrus : les U-2 américains traversent la France en toute impunité en croisant à 65 000 pieds.
Les missiles français du début des années 70 ont un domaine de tir assez restreint, et le Sidewinder AIM-9B aussi : une bonne partie des entraînements porte sur le dogfight. Dès la fin de 1972, la Deux prête un IIIE pour l’intégration du R-550 Magic, mais ce n’est pas avant 1979 que ce missile sera à l’inventaire des escadrons de Dijon.
La décoration des avions change peu à peu avec la disparition des drapeaux de dérive vers 1974. Autre changement d’importance, en mai 1973, l’entretien des Mirage change de mains, puisque l’Escadron EMT 8/02 cède la place au GERMAS 15/02 : au passage, les escadrons récupèrent 40 techniciens chacun et la maintenance de niveau 1 des Mirage.
Comme la mission secondaire de la 2ème Escadre est l’assaut tous-temps classique (avec roquettes et bombes), une partie de l’entraînement et des campagnes de tir est consacrée à l’air-sol. Cependant, en général les avions de la Deux sont des numéros inférieurs à 466, et ils ne sont pas aussi bien équipés en contre-mesures que ceux de la Trois et de la Quatre. Par ailleurs, les configurations en 500 l ou en 1300 l sont plus communes à Dijon que les config lourdes en 1700 l.
Par contre, comme à Colmar les vols avec fusées sont effectuées régulièrement par « campagnes », 140 vols en juin 1975 par exemple, et les pilotes s’entraînent parfois avec la combinaison stratosphérique. Une des spécificités des escadrons de Dijon est d’avoir transformé beaucoup de pilotes étrangers, comme les Espagnols ou les Lybiens. En dehors des exercices dans le nord de la France, les IIIE de Dijon prennent parfois part à des manoeuvres en Méditerranée, comme en décembre 1976 ou 18 Mirage sont déployés à Istres pour « La Fayette », face au groupe aéronaval du Nimitz.
La fin des années 70 est marquée par des échanges d’escadrons plus fréquents, comme en 1977, avec le 92 Sqn de Wildenrath (passant du Lightning sur F-4). La Deux est la première à être dotée de Magic, devenu en 1979 son arme standard pour sa mission principale. Comparé aux autres escadres, elle aura à déplorer peu d’accidents en vol (12 au total). Cependant, en 1980 une patrouille de deux avions se crashe en exercice tactique à basse altitude entraînant la mort des deux pilotes, après huit ans de vols sans perte.
Des avions sont aussi parfois déployés à Decimomanu pour des exercices de combat DACT avec le dispositif ACMI (Air Combat Manoeuvring Instrumentation), comme en 1981, en plus des campagnes annuelles à Solenzara (tirs sur cibles remorquées) ou à Cazaux (tirs sur engins cible). L’arrivée du petit nouveau s’annonce en 1983 : plusieurs pilotes partent à Mont-de-Marsan pour le début de transformation sur 2000. Comme le nouvel avion est un intercepteur, la 2ème Escadre est transféré de la FATac au CAFDA.
Dès le début de 1984, le 1/2 Cigognes voit une déflation de son parc IIIE, au bénéfice du 3/2. En avril, ce sont les derniers vols du 1/2 sur le « vieux » Mirage : l’ensemble de l’escadron achève sa mue à Mont-de-Marsan. Le 2 juillet enfin, le 1/2 revient à Dijon avec une dotation (incomplète) de 2000B et C.
Le 3/2 lui continue son activité normale sur IIIE jusqu’à la fin de l’année. En janvier 1985, le premier pilote du 3/2 passe chez le voisin pour sa transformation sur 2000. Il ne reste plus que 10 IIIE à Dijon; plusieurs de ceux-ci sont délégués à Zara pour être biroutiers lors de la campagne de tir du 1/2.
Le 12 mars, on voit le premier 2000 aux couleurs du 3/2 (le 507). En juillet 85, c’est la fin du IIIE, cinq avions étant convoyés vers le 1/13 ou vers Chateaudun. Un Mirage IIIE a reçu une décoration spéciale aux couleurs de l’Alsace (le 436, 2-LR). Le 1er août, les deux derniers avions s’en vont vers Chateaudun. De 1969 à 1985, les deux escadrons de Dijon auront inscrit plus de 100 000 heures sur les carnets de vol. L’escadre est la première sur Mirage 2000, mais le IIIE a encore de belles années devant lui, en particulier à Colmar et à Nançy.
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Référence : Le Mirage IIIE dans l’Armée de l’Air (Chenel, Moreau & Audouin, DTU 2004)
Remerciements : pour son accueil bienveillant à la Deux, le Lt-Col Jeantet (1984)