Les unités autonomes de l’Armée de l’Air méritent un traitement spécial. Ceux qui ont pu «vivre la différence» entre les escadrons enfermés dans une escadre ou dans une structure étroite de Grand Commandement (écoles, FAS …) et les unités jouissant d’une certaine autonomie me comprendront facilement.
Dans cette partie composite sont regroupées ces unités qui vivaient ‘autrement’ et dont la mission avait souvent un caractère spécifique.
L’ELAS 44 de Solenzara (nous considérerons que la Corse est la métropole) mettait en oeuvre deux N.2501 qui servaient à la SAR : en effet les escadrons de chasse français et étrangers (belges) venaient régulièrement en campagne de tir s’entrainer sur le champ de tir voisin et l’Escadrille de Liaison Aérienne et de Sauvetage avait été créée en 1964 pour assurer la récupération des pilotes éjectés en mer. D’autre part l’unité avait en charge les liaisons avec le continent ; le survol maritime impliquait donc que les appareils soient au moins bimoteurs c’est ainsi que les « grises » succédèrent aux MD-312 Flamant de l’ ELAS en 1975 ; elles furent remplacées par des N.262 en 1982.
L’EE 54 (Escadron Electronique) Dunkerque dépendant directement de la toute puissante FATAC basée à Metz était donc un escadron très sérieux et très secret qui pratiquait le renseignement électronique comme son nom l’indique. Les «Gabriel» astiquaient notamment à basse altitude les couloirs aériens reliant Berlin à l’Occident pendant la guerre froide ce qui valut pas mal de sueurs tout aussi froides aux équipages et des rencontres inopinées avec des OVNI soviétiques.
Les «Nord Gabriel» de l’EE se reconnaissaient facilement à leurs antennes carénées sous le fuselage et l’APU (côté droit du fuselage). Les «Gabriel» ne portaient ni codes ni insigne, mais au moins un N.2501 cargo de l’unité a fait exception à la règle (n°49, 54-ZE).
L’AIA de Clermont a transformé huit N.2501 en «Gabriel» (N°25, 28, 33, 36, 39, 41, 12 et 66)
Autre unité très secrète, le GAM 56 se cachait à Evreux. Les équipages qui le peuplaient portaient, dans le dialecte des aéronautes, le sobriquet de «Chaussettes à clous» dont ils étaient très fiers. Cette mystérieuse unité (Groupe Aérien Mixte Vaucluse) effectuait les liaisons et transports très secrets au profit des gens très secrets ; je les ai croisés un jour sur un aéroport de Russie mais je n’en dirai pas plus.
Mauvaise nouvelle pour les spotters : les Nord ne portaient ni le code ni l’insigne de l’unité, seulement deux lettres (pour vous aider : la première lettre sur les poutres était un X … Normal: comme dans X-files)
Les trois clefs de l’insigne ne sont pas celles du Vaucluse mais celles du coffre (aux secrets).
L’EC 57 Commercy (Escadron de Calibration) est spécialisé dans la calibration des moyens aériens de navigation et d’atterrissage et dépend du commandement des transmissions. Créé en 1965 sur C-47 à Villacoublay il reçoit le premier N.2501 en 1967. L’effectif ne dépassera pas quatre Nord dont les trois transformés pour la mission de calibration par l’AIA de Clermont (n°29, 113 et 170).
Le marquage se limitait à trois lettres (commençant par CA.) et l’insigne du Commercy.
Le ‘GAEL’ GTLA 2/60 (Groupe de Transport et de Liaisons Aériennes) n’aurait sans doute jamais eu de Noratlas si sa flotte de N.262 n’avait été clouée au sol suite à un accident dû au givrage sur les turbopropulseurs (Bastan VI) du n°44 en janvier 1971. De juin1971 à octobre 1972 une demi-douzaine de « Grises » furent donc prêtées par les escadres de transport ; elles portaient l’insigne du GAEL et un code à deux lettres (Ox) sans numéro d’unité.
L’Escadron de Convoyage EC 70 de Chateaudun se caractérisait par la polyvalence de ses équipages (le même pilote pouvait être qualifié sur plus d’une demi-douzaine de types d’aéronefs à la fois: le rêve absolu du cocher !). Les Nord de la boutique étaient caractérisés par leur marquage folklorique, du genre : ‘F-MC’ ou ‘M-D’ ou ‘070-MD’ ou enfin ‘MF-070’ et j’en ai certainement oublié.
On peut mentionner pour mémoire l’utilisation du Noratlas (de 1957 à 1962) par l’Escadrille Aérienne de Recherche et de Sauvetage EARS 99 en renfort des Languedoc qui opéraient en Algérie. Mais ces N.2501 étaient détachés et aucun n’a porté les codes de l’unité.
Le CEAM installé à Mont-de-Marsan (base aérienne 118) depuis la fin de la seconde guerre mondiale a vu passer une panoplie impressionnante de types et de versions d’appareils volants. La grise ne fait pas exception on peut noter les exemplaires suivants qui ont reçu le code 118-xx : le prototype N.2501 n°05 (voir photo dans la première partie) qui sera codé 118-IB, l’unique prototype du N.2506 n°01 118-IA (voir photo dans la première partie), les premiers 2501 de série dont les n°02 et n°03 puis beaucoup d’autres qui seront utilisés pour des essais et surtout les missions de transport.
Le CEAM travaille en collaboration étroite avec les constructeurs et le CEV, c’est pourquoi nous terminons cette partie avec le Centre d’Essais en Vol bien qu’on ne puisse pas le considérer comme une unité de l’Armée de l’Air.
Né en 1951 de la fusion de L’EOM 85 Madagascar et du GLA50, le GAMOM 50 (Groupe Aérien Mixte d’Outre-mer) a reçu ses deux premiers N2501 en 1968 ; cela faisait huit ans que la république Malgache avait été proclamée. Les appareils opéraient à partir d’Ivato puis de la Réunion (1973) et assuraient le ravitaillement des positions françaises de l’Océan Indien (Madagascar puis les Comores, les Iles Glorieuses, Mayotte, etc.). La filiation des unités de l’Armée de l’Air à Madagascar est une bonne illustration de la complexité des unités outre-mer : on peut en retrouver le détail sur le site traditions-air.fr. Les derniers Nord ont quitté l’océan Indien en 1976 ; vingt-trois numéros différents se seront succédé entre temps au GAMOM. Notons qu’à partir de 1976 le GAMOM devenu ETOM (Escadron de Transport Outre-mer) changera d’insigne pour être plus conforme à sa nouvelle appellation Réunion.
La bonne humeur étant de rigueur à l’ETOM 55 Ouessant, l’unité se devait d’être créée un premier avril et ce fut en 1970 à Dakar sur la BA 160 de Ouakam. Au début, les détams (Détachements aériens militaires) se relayaient ce qui explique que la plupart des équipages de “ Grise ” sont passés par là et ils connaissent donc tous le refrain de l’escadrille : “ Mais à Ouakam nous n’irons plus… ” (le modérateur a censuré le reste des paroles). En 1976 l’escadrille devient escadron et prend le nom de Ouessant ; en 1977 il participe à l’opération de police “ Lamentin ” en Mauritanie. Les dernières Grises quittent l’ETOM en 1984 et sont remplacées par les Transall.
L’ETAG (Escadrille de Transport Antilles-Guyane) 58 Guadeloupe avait abandonné Fort-de-France (Martinique) en 1966 pour s’installer sur le terrain du Raizet en Guadeloupe. En 1970 quatre Nord sont affectés à l’ETAG pour compenser le départ des C-47 ; leur mission principale est la calibration au profit de la base de Kourou où le CNES mène l’expérimentation des fusées. Trois de ces appareils (n°139 ’58-MI’, n°142 ’58-MJ’ et n°185 ’58-MK’) seront modifiés à partir de 1970 par l’AIA de Clermont. On pourra aussi se reporter aux expérimentations menées sur le Nord n°4 du CEV avec son nez radar qui abritait le système ‘petit AMOR’ dont une vue est donnée dans le chapitre précédent. L’unité deviendra l’ETOM 58 en 1976 juste avant le départ des Grises.
Le GMT (Groupe Mixte de transport) 59 Orléans fut créé en 1969 à Fort-Lamy pour soutenir les forces françaises engagée dans le nord du Tchad contre le Front de libération nationale (FNLT). Les Grises opéraient en appui direct des troupes au sol : lucioles, largages, évacuations sanitaires et reconnaissance à vue. Trente-deux appareils se sont succédé au GMT avant sa dissolution en 1975.
Basé à Tahiti pour assurer les transports au profit du Centre d’Expérimentation du Pacifique, le GAM 82 avait été créé en 1964 reprenant les traditions et l’insigne (crocodile) de l’EOM 82 qui venait d’être dissoute à Bamako (Mali). Fin 1973, deux Nord (n°163 ’82-PO’ et n°187 ’82-PN’) vont entreprendre un périple de plus d’un mois pour rejoindre le Pacifique et remplacer les Breguet Deux-Ponts. Sur place ils seront équipés d’un nez abritant le radar météo indispensable pour voler dans cette région. La Grise n’étant pas pressurisée, elle ne pouvait voler à plus de 12 000 pieds avec des passagers à bord ; c’est justement l’altitude où on récolte la base des cumulonimbus avec tout ce qui va avec (givrage, fortes turbulences et parfois foudroiement) et comme les équipages ne voyaient rien venir vu qu’ils étaient en immersion dans les autres nuages ils avaient donné avec une crainte respectueuse le surnom de “ Bulldozer à cunimbs ” à leur impétueuse monture. Le séjour atomique des Grises se terminera en avril 1976.
Les dénominations successives de l’unité de transport de Djibouti (ex-“ Côte française des Somalis ”, ex-“ Territoire Français des Afars et des Issas ” avant de devenir “ république de Djibouti ”) furent successivement ELA 51 (1945), EOM 88 (1958), GAMOM 88 (1970), ETOM 88 (1976) juste avant l’indépendance de Djibouti en 1977. A partir de cette date la base 188 devient détachement air (DA 188) et les équipages de Grise volent aussi bien sous les cocardes françaises que celles de l’AND (Armée Nationale de Djibouti). En 1994, l’ETOM 88 finira par s’appeler Larzac. Entre octobre 1967 et juillet 1983, les Nord auront sillonné la région ainsi que la Mer Rouge, l’Ethiopie, la Somalie, les côtes de Madagascar et le Yemen (Sud et Nord).
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(à suivre)