Le succès de l’Iliouchine Il-2 « Chtourmovik » et de ses dérivés Il-6, -8 et -10 avait conduit Iliouchine à poursuivre en 1949 avec un avion d’assaut, l’ Il-20 à moteur à pistons. La guerre de Corée (dans laquelle l’ Il-10 était engagé du côté des forces nord coréennes) mit en évidence le besoin d’un appareil plus puissant et équipé de turbo-réacteurs. C’est ainsi que le constructeur dès la fin 1951 commença l’étude d’un biréacteur équipé de deux « Mikouline AM-5».
Le 7 mars 1953, le pilote d’essai Kokkinaki effectua le premier vol du prototype Il-40, un biplace (un pilote et un mitrailleur-radariste) équipé de six canons NR-23 (calibre 23mm) dans le nez. À la fin du même mois pendant le premier essai de tir air-sol, le déclenchement du tir entraîna l’extinction des deux moteurs. Kokkinaki réussit à les rallumer et rentrer à la base. De nombreuses modifications furent apportées sur les réacteurs (Mikouline AM-5F d’une poussée unitaire de 20150kg à sec et 2700kg avec postcombustion). Quatre canons TKB495A /AM-23 remplacèrent les six NR-23 mais les résultats ne furent pas satisfaisants.
Iliouchine proposa alors de changer radicalement la disposition des entrées d’air qui furent prolongées jusqu’à l’avant en position « pitot ». Les quatre canons AM-23 furent déplacés sous le fuselage derrière le puits du train avant et les réacteurs remplacés par deux RD-9V d’une poussée unitaire de 2600kg à sec et de 3250kg avec P.C. La masse maximale au décollage était passée à 17,6 tonnes et la vitesse maximale au niveau de la mer était de 993km/h. Désigné Il-40P ce second prototype effectua son premier vol le 14 février 1955. Entre temps, le 16 octobre 1954, l’État avait donné l’ordre de lancer la construction en série dans l’usine N°168 de Rostov sur le Don.
Au printemps 1956, cinq Il-40P étaient presque terminés sur le parking de Rostov lorsque le gouvernement ordonna la destruction des appareils construits et l’arrêt de la production. Cette décision surprenante résultait d’un changement de doctrine d’emploi de l’aviation sur le champ de bataille: le concept d’ « avion d’assaut » était remplacé par celui de « chasseur-bombardier » intervenant en profondeur avec utilisation possible de l’arme nucléaire tactique. Les missions d’assaut classiques furent assurées par les versions d’attaque au sol du MiG15bis (SD-5, SD-10 et surtout SD-21) puis par le MiG-17F.
En 1969 l’expérience de la guerre du Vietnam avait conduit les autorités soviétiques à s’intéresser de nouveau à l’aviation d’assaut. Quatre constructeurs étaient en lice : Mikoyan avec le MiG21LCh (« LCh » pour « Liogkyi Chtourmovik » : avion d’assaut léger), Sukhoï avec le T-8 (prototype du Su25 – Frogfoot), Yakovlev avec le Yak25Lch et Iliouchine avec le Il-42 (développement du Il-40). Les deux derniers concurrents furent rapidement éliminés.
Le directeur de l’OKB Iliouchine, Novojilov, continua contre l’avis du ministère de la défense l’étude du projet qui prit le nom de « Il-102 ». L’avion ne vola que beaucoup plus tard, le 11 septembre 1982; il était alors équipé de deux réacteurs I-88 (RD-33 sans P.C.) chacun fournissant une poussée de 5380 kg la masse maximale de l’appareil était passée à 22 tonnes les dimensions avaient peu changé (envergure : 16,90m – longueur : 17,75 – hauteur : 5,08). De 1982 à 1984 il effectua 250 vols sans problèmes importants puis fut stocké dans les hangars de Moscou-Joukovski. La firme essaya en vain de le proposer une dernière fois aux VVS qui furent d’autant moins intéressées que l’URSS se retirait alors de l’Afghanistan.
La première et dernière apparition en public du dinosaure eut lieu au salon aéronautique de Joukovski en 1992.
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