Dans la continuité des projections de puissance Heifara en 2021, puis Pégase en 2022, l’armée de l’Air et de l’Espace s’est déployée à nouveau dans l’Indopacifique avec 19 aéronefs :10 Rafale de la 4e et de la 30e escadre de chasse soutenus par cinq Phénix de la 31 escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique et quatre A400M de la 61e escadre de transport. La France, nation riveraine et souveraine de l’Indopacifique démontre ainsi sa capacité, à protéger sa population et ses intérêts dans la zone par des déploiements réguliers.
De plus, c’est important, avec la projection d’un dispositif conséquent, la France indique que les partenariats noués avec un nombre croissant de pays de la région peuvent en cas de besoin être soutenus par le déploiement d’une force d’assistance et de soutien significative, et pas seulement symbolique. Assistance humanitaire, bien sûr, les catastrophes naturelles étant récurrentes sur l’arc indopacifique, mais aussi appui militaire si un des pays alliés en faisait la demande.
Rafale, Phénix, Atlas, la triade que constituent ces aéronefs est stratégique : le Rafale apporte la capacité d’opérer vite et loin, le MRTT apporte de l’élongation aux projections et l’A400M permet de déployer le matériel nécessaire pour que l’ensemble du détachement soit opérationnel rapidement. Ainsi, le concept MORANE est au cœur de ce déploiement : partir loin, vite et avec le minimum nécessaire pour mettre en œuvre les aéronefs, en toute autonomie et avec une grande agilité.
MORANE, concept opérationnel de déploiement logistique léger au plus près des zones de combat : seul le nécessaire en matériel a été emporté pour être opérationnel rapidement, en réduisant les délais d’intervention. Dans cette logique d’optimisation des moyens, les aviateurs français travaillent de pair avec leurs homologues étrangers. L’occasion pour les experts de la logistique de s’imprégner de nouveaux modes d’action propres au pays visité, ou bien de constater qu’à l’autre bout du monde, nous partageons des savoir-faire communs.
Seul un exercice en vraie grandeur permet de mettre au point des modes opératoires élaborés en amont. Pégase 2023, avec ses multiples interactions et sa base de déploiement principal (Andersen AFB, Guam, Iles Mariannes), met à l’épreuve les agents de transit aérien. Toujours affairés, ce sont eux qui orchestrent l’arrivée des avions, des passagers, qui chargent et déchargent les soutes, qui conditionnent et reconditionnent les lots et palettes où s’empile le strict nécessaire pour ce déploiement XXL.
Regroupés au sein du Détachement de transit interarmées aérien (DéTIA), ils font en sorte que le fret arrive au bon endroit, au bon moment et en bonnes conditions. L’Armée de l’Air et de l’Espace a déployé 55 tonnes de fret par les airs, via quatre A400M et cinq A330 MRTT. Au total, 300 m3 de chargement rassemblent tout l’environnement de l’aviateur et de ses machines : systèmes informatiques, soutien de l’homme (médical, effets de vol, etc.) et lots mécaniques.
Pégase 23 a été ponctué d’une première escale technique, sur la base aérienne 104 des Forces françaises aux Émirats arabes unis. Véritable point d’appui pour les missions opérationnelles et les déploiements vers le Moyen-Orient ou l’Indopacifique, les infrastructures des FFEAU ont permis de rassembler les 19 aéronefs de PEGASE23 pour les remettre en condition. Le lendemain, le dispositif s’est scindé en deux pour arriver simultanément en Malaisie et à Singapour.
Six Rafale, trois Phénix et deux Atlas composant la « grande boucle » de Pégase 23 ont arrivés sur la base de Paya Lebar à Singapour tandis que quatre Rafale, deux A330 MRTT et deux A400M, constituant la « petite boucle », ont rejoint la Malaisie. Ce premier défi a été relevé avec succès : déployer en 30 heures un dispositif aérien d’une vingtaine d’avions, de plus de 320 aviateurs, à 11 000 kilomètres de la France.
Arrivés le 26 juin sur la base de Subang en Malaisie, les équipages français ont pu participer à des vols conjoints avec des A400M, Su-30 et F-18 malaisiens. Des échanges privilégiés avec les militaires de la base – équipages et pompiers – et la population ont eu lieu lors de cette escale.
Les aviateurs français en Malaisie ont pu faire découvrir leurs avions de chasse à leurs homologues malaisiens. « Cette étape en Malaisie était aussi l’occasion de mettre en avant notre partenariat avec ce pays, qui s’ancre dans le temps, et nos aéronefs communs, comme l’A400M », a expliqué le général de brigade aérienne Vincent Coste, chef de la mission pour la boucle Malaisie.
Le 28 juin, le dispositif français en Malaisie a repris la direction de la France, avec une nouvelle escale aux EAU.
À Singapour, les aéronefs français ont réalisé plusieurs entrainements conjoints avec les F-15, F-16 et MRTT singapouriens. La force aérienne de Singapour, avec son centre d’entraînement sur la base aérienne de Cazaux, est un partenaire de longue date de l’AAE. En parallèle, le général de brigade aérienne Marc le Bouil a participé au séminaire Air Operations in Humanitarian Assistance and Disaster Relief in the Indo-Pacific à l’Alliance française de Singapour.
Le 28 juin, le détachement français a quitté Singapour pour rejoindre différentes zones de l’Indopacifique : les aviateurs de la grande boucle Pegase 23 sont arrivés sur la base américaine d’Andersen à Guam, 72 heures après leur départ d’Istres. « Ce convoyage de sept heures s’est très bien passé : nous avons démontré notre capacité de projection rapide dans les temps impartis », expliquait le commandant Romain, pilote de l’A330 MRTT. Les A400M et MRTT participent aussi à des activités au profit des Forces armées en Polynésie française (FAPF) et en Nouvelle-Calédonie (FANC).
L’île de Guam est située dans le sud-est de la mer des Philippines, en Micronésie. Le dispositif français y évolue jusqu’au 24 juillet, date qui marquera le début du retour avec escales valorisées. Les aéronefs participent notamment à un continuum d’exercices interalliés américains de grande ampleur depuis la base aérienne d’Andersen, sur l’île de Guam, pour le niveau tactique, et depuis Hawaï pour le niveau opératif auprès de la structure de commandement multilatérale.
Parmi eux, l’exercice Northern Edge, conduit par la branche Pacifique de l’US Air Force (PACAF). D’autres armées de l’air partenaires se joignent à eux, depuis des bases aériennes voisines.
Dès le 1er juillet, les journées des équipages étaient rythmées par des vols de familiarisation (deux vagues par jour). La zone est très particulière, les mers et océans sont à perte de vue et le climat est très chaud et humide. Les Rafale et MRTT ont ainsi pu faire des vols conjoints avec un B-52. En parallèle, un A400M a effectué une rotation vers Palau (Palaos), à 1300 km de Guam, afin d’y déposer des militaires de l’US Air Force et leur fret, ainsi qu’un lot technique destiné aux Rafale.
A Palau, les aviateurs français embarqués ont fait une reconnaissance de la zone : une partie du détachement, dont trois Rafale, y est déployée depuis le 7 juillet pour opérer depuis l’aérodrome local.
Au retour de Palau, l’équipage de l’avion de transport tactique et stratégique a simulé des procédures de surveillance maritime et de recherche et sauvetage en mer (Samar) au large du Pacifique.
Parfaite illustration de la performance et de l’adaptabilité des aviateurs français, un équipage d’A400M a été scramblé en live sur une mission de sauvetage alors qu’il était engagé dans l’exercice multinational Mobility Guardian depuis la base d’Andersen.
Répondant à un appel de détresse émanant d’une zone du nord de l’archipel des Mariannes, le 10 juillet en fin de journée, la cellule multinationale de commandement de l’exercice a taské l’A400M, après que l’équipage ait reconfiguré l’avion en quelques minutes.
Avec les observateurs équipés de lunettes de vision nocturne en poste aux portes latérales, l’équipage a localisé le bateau en détresse vers 20 heures. L’A400M a maintenu le contact pendant 5 heures avant d’être relevé par un C-130J canadien (lui aussi engagé dans Mobility Guardian).
C’est un MH-60 de l’US Navy qui a procédé à l’hélitreuillage des 11 occupants du bateau (parmi lesquels neuf Chinois), en pleine nuit.
La phase active de Pégase 23 continue à se jouer à partir de la zone des Mariannes : l’objectif est de démontrer la capacité d’une composante de combat de l’AAE à conduire des missions au sein d’une coalition orchestrée par les USA, à tenir dans la durée à 15 000 kilomètres de la métropole, en engageant une logistique taillée sur mesure. Pégase 23 bénéficie ainsi des missions antérieures, et préfigure sans doute un exercice encore plus important qui se tiendra dans le futur.
Au moment où l’OTAN mobilise des forces importantes en Europe orientale, dans une année qui voit la flotte de Rafale à son étiage le plus bas depuis six ans, l’Armée de l’Air et de l’Espace démontre grâce à Pégase 23 qu’elle a la capacité à contribuer activement au maintien d’un équilibre stratégique en Indopacifique.
A travers cette mission, l’Armée de l’Air et de l’Espace réaffirme la singularité de l’aviation militaire moderne : savoir agir vite, loin et fort. Un caractère propre à dissuader les aventurismes militaires dans cette région focale de la planète ? Souhaitons-le.
Alexandre et escadrilles.org
Remerciements : un grand merci au SIRPA-Air pour m’avoir donné accès aux belles ressources photographiques de Pégase 2023.