A la fin des années 40, l’industrie aéronautique britannique est encore la deuxième meilleure du monde : presque en même temps que les Allemands, les Anglais ont eu leurs premiers chasseurs à réaction opérationnels (le Gloster Meteor, bientôt suivi par le De Havilland Vampire), les industriels ont développé des turbo-réacteurs d’une poussée et d’une fiabilité suffisante, et les radars aéroportés sont des équipements normaux pour les avions sortant de chaîne de fabrication outre-Manche.
Les Américains et les Britanniques pensent que l’URSS de Staline pourrait tenter d’envahir l’Europe occidentale: c’est la Guerre Froide. Loin de se fier uniquement au parapluie atomique US, et fort de la maîtrise de l’atome militaire, Albion décide de prendre à son compte la doctrine de la dissuasion et de s’équiper d’une flotte puissante de bombardiers stratégiques. Le ministère de l’Air édite sa spécification B.35/46 pour un avion capable d’emporter au moins une bombe atomique à la vitesse de 500 noeuds, à une altitude de 55 000 pieds.
L’industrie britannique comprend à cette époque un grand nombre de « petits » bureaux d’étude, et trois industriels reçoivent un marché pour développer leur concept et faire voler un prototype. Le gouvernement décide en effet de na pas mettre tous ses oeufs dans le même panier (une sagesse en matière de dissuasion que certains, aujourd’hui, en France, feraient bien de méditer).
Sous la direction de Georges Edwards, Vickers Armstrongs développe son projet 667, et fait voler avec succès un prototype dès le 18 mai 1951. Le Vickers Valiant est un quadriréacteur à aile en flèche, il répond aux spécifications et le gouvernement de Sa Majesté en commande une série de 104. Construit en 4 sous-versions, il équipe jusqu’à 11 escadrons de la RAF.
D’une conception un peu plus classique que ses deux co-listiers, un peu moins performant et aussi moins lourd, il fut progressivement relégué au rôle de ravitailleur en vol à partir de 1958. En 1964, des accidents mettent en lumière un problème de fatigue structurale: le Vickers Valiant sera cloué au sol dès 1965, puis démobilisé après 9 années seulement de service.
Second prototype à s’envoler, le type 698 du constructeur Avro, qui décolle pour la première fois le 30 août 1952. Dessiné par Roy Chadwick, Stuart Davies et William Faren, c’est un pur delta, sans stabilisateur, et il faudra quelques modifications significatives à la géométrie de l’aile pour en faire un bon avion. Néanmoins, après la version B1 (45 exemplaires), le Vulcan B2 sera construit à 89 exemplaires et équipera 10 escadrons de la RAF.
Avion à la silhouette extraordinaire, le Vulcan vola en tant que bombardier stratégique presque jusqu’à son retrait du service actif. Lors de la guerre des Malouines, il exécuta ses missions les plus médiatisées, avec notamment le bombardement de l’aérodrome de Port-Stanley, le 1er mai 1982. Les dernières missions eurent lieu en mars 1984 (en tant que ravitailleur). Il y a aujourd’hui encore un Avro Vulcan en état de vol !
Dernier prototype à prendre l’air, le 24 décembre 1952, le Handley Page type 80 : conçu sous la direction de Gustav Lachmann et Godfrey Lee, le Victor a des allures avant-gardistes, avec ses ailes en flèche-croissant, son nez pointu et son empennage en T. Quadriréacteur lui-aussi, il est beaucoup plus lourd que le Valiant, et il vole bien après les inévitables modifications ; très bien même puisqu’on lui prête une capacité quasi-supersonique en haute altitude.
Produit en deux versions principales (B1 et B2), et à 84 exemplaires, il équipa 10 escadrons de la RAF, à partir de début 1958. Il fut lui aussi converti en ravitailleur à partir de 1965, c’est dans cette mission qu’il connut ses dernières heures de gloire, pendant la guerre des Malouines puis celle du Golfe. Le 15 décembre 1993, le dernier Handley Page Victor opérationnel quitte sa base de Marham.
Les années 50, toute une époque: on ne trouve plus nulle part une industrie aéronautique capable d’un tel dynamisme. Car en même temps bien sûr, d’autres industriels britanniques produisaient chasseurs, avions de transport, d’entraînement et de patrouille, etc. De nos jours c’est plutôt la mentalité : « un oeil sur le cours de la Bourse, un oeil sur mes stocks options, et le reste on verra quand je serai sorti de la boîte » !
Il est vrai que la planète est devenue tout à fait pacifique, sauf par endroits … et par moments.
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