La flottille 24F a pour missions principales la surveillance maritime et le secours en mer, cet aspect recouvrant essentiellement le sauvetage. Un effectif de 110 personnes est au service de ces missions, parmi lesquelles on compte 50 navigants, et 60 techniciens et personnels de soutien.
La 24F est en phase de croissance avec l’admission au service des Falcon 50MS, c’est-à-dire des aéronefs qui faisaient partie de la flotte gouvernementale et qui sont en cours de modification à Mérignac. Ces « 50MS » (S pour surveillance) possèdent les mêmes équipements de navigation et de détection que les quatre Falcon 50MI (I pour intervention), mais ils n’ont pas la modification structurale permettant d’installer le puits de largage des chaines SAR.
Le premier Falcon 50MS a été mis en service en avril 2014 (il s’agit du n°5), il sera suivi du n°27 au second semestre 2014 ; les deux autres avions seront livrés en 2015. Il faut préciser que les deux types de Falcon correspondent bien aux deux classes de missions, surveillance et sauvetage. Mais il est également vrai que des opérations de sauvetage peuvent être déclenchées à n’importe quel moment, et donc entraîner le déroutement d’un avion dont la mission ce jour-là était la surveillance.
La mission SAR SecMar (sauvetage et secours en mer) implique une alerte H24 pour la flottille 24F : cette alerte est tenue à 1 heure pour les heures ouvrables des jours ouvrables, et à 2 heures la nuit et le week-end (lorsque le personnel n’est pas présent sur la BAN). Les Falcon 50MS ne peuvent pas tenir la première alerte.
Les missions de surveillance maritime sont variées : missions Lévrier contre le narco-trafic, missions FRONTEX (détections des embarcations d’immigrants), missions « Thon rouge » au printemps en Méditerranée, missions PROSAR (mise en place de moyens lors de la projection de moyens aériens nationaux), protections des approches maritimes contre les intrus (terroristes, trafiquants), blanchiment de zone pour des exercices en mer (sécurité, bateaux mal intentionnés).
Les tâches à accomplir sont nombreuses, mais cela n’empêche pas la 24F d’armer un détachement « Dakar », qui assure le SAR pour le compte du Sénégal depuis 2013, lequel nécessite un avion, un équipage, et 2 techniciens de soutien pour des rotations d’un mois. Le Dassault Falcon 50 est un avion bien adapté aux deux types de mission : son atout principal vis-à-vis d’avions à turbopropulseurs est sa rapidité d’intervention sur zone, puisqu’il effectue son transit aérien à Mach 0.75 et entre le FL 35 et le FL45.
Une fois dans la zone de recherche, l’équipage patrouille à 220-240 kts à une altitude de 1000/7000 pieds, ce qui assure un bon compromis entre la visibilité sur l’eau et la consommation. Les outils de recherche sont bien sûr la vue (quatre observateurs à bord en comptant le pilote et le copilote) et le radar Oceanmaster, qui est optimal à une altitude de1500/2000’. L’opérateur radar utilise aussi la boule FLIR (infra-rouge), dont les performances peuvent être excellentes, selon les conditions aérologiques.
La recherche en mer repose bien sûr sur une navigation extrêmement précise, aussi bien pour se rendre sur un site déterminé, que pour naviguer selon un « pattern » de recherche efficace : il n’y a pas de repère sur l’eau et il ne s’agit pas de repasser plusieurs fois sur ses traces. La précision de la navigation est de +/- 10m, les systèmes étant doublés. Les communications avec le sol ou avec d’autres plate-formes sont assurées grâce à un système AviaSat et le système SpatinNav permet la mise en réseau des infos AIS des bateaux, recueillies par les sémaphores, les autres navires de la Marine. On est aisni à la pointe du progrès.
Lors d’une opération de sauvetage, la détection de l’embarcation en détresse n’est que la première partie de la mission : il reste ensuite à effectuer l’intervention. Celle-ci n’est pas forcément du ressort de la 24F, puisque dans le cas d’un hélitreuillage, c’est un hélicoptère qui entre en scène (flottille 32F ou 33F de Lanvéoc-Poulmic, ou encore Dauphin SP). Si le bateau en détresse est hors de portée des hélicoptères, l’équipage du Falcon peut guider un navire vers la position des victimes.
Le Falcon 50 MI emporte en général six chaines SAR qu’il peut larguer à proximité des naufragés (elles comportent survies gonflables, vivres, radios VHF, …). Le largage de la chaîne SAR est une opération des plus délicates : il se fait à une vitesse de 160 kts et à 300 pieds, après avoir préalablement balisé l’approche avec des fumigènes. Un des deux observateurs est qualifié pour cette opération, et l’autre assure la sécurité du largage. Une chaîne SAR larguée trop près peut avoir des conséquences graves sur les occupants d’une embarcation ; larguée trop loin, elle ne sera pas récupérée par les naufragés.
Quand l’état de la mer est trop mauvais, c’est souvent le cas lors des naufrages, il arrive parfois que le Falcon utilise plusieurs chaînes SAR avant de réussir son largage. Durant l’hiver 2013-2014, il est même arrivé qu’un équipage largue ses 6 chaînes sans que les naufragés en récupèrent une (cas rarissime). Heureusement, un cargo a pu être dérouté et porter secours à l’équipage du navire en détresse. A la suite de cet événement, il a été décidé d’intensifier les entraînements par mauvais temps.
On le voit, si les missions de la 24F sont pour l’essentiel pacifiques, elles n’en sont pas pour autant tranquilles : détachements, alertes, les équipages des avions blancs vivent au même rythme que ceux des avions gris. La formation des pilotes se déroule d’abord en simulateur, au Bourget, puis il faut 2 à 4 mois au pilote à l’entraînement pour devenir PO. Pilote et équipages ont une qualification au largage à maintenir : ils effectuent à cet effet un largage d’entraînement tous les 4 mois.
A partir de la fin de cette année, la 24F aura six avions, ce qui allégera un peu la tension sur la maintenance (le 1er niveau est effectué en flottille, le deuxième et troisième niveau chez un contractant civil, à Bâle). Mais compte-tenu de l’espace géographique sur lequel s’étendent les missions, la Manche, Atlantique est et tropical, la Méditerranée, les renforts ne sont pas de trop. A compter de 2015, il est prévu d’armer en permanence une alerte SecMar à Hyères.
On aime répéter que la France « possède » la deuxième ZEE mondiale, après les USA. En termes de moyens aériens dédiés à la surveillance lointaine, la Marine jouit simplement de deux flottilles : la 24F de Bretagne, et la 25F … aux antipodes !
Remerciements : au commandant de la 24F à l’heure de ma visite, le capitaine de corvette Chauvelot, ainsi qu’à l’OCC base, Véronique Zopfmann, et au commandant de la BAN de Lann-Bihoué, le CV Christophe Lucas.
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