Juin 1967 : aux mains des pilotes israéliens, les Mirage IIIC font le ménage lors de la guerre des Six Jours. L’Etat hébreu a 50 autres Mirage en commande, le chasseur delta de chez Dassault commence à se vendre comme des petits pains.
Les futurs Mirage israéliens sont d’un type nouveau, destinés au bombardement mais dépourvus de radar et de système de navigation. Ils commencent à sortir des chaînes en mai 1967. Mais … mécontent de la tournure prise par la situation au Moyen-Orient, le président De Gaulle place ces chasseurs-bombardiers sous embargo.
Les Mirage 5J sont stockés au fur et à mesure de leur sortie d’usine, la plupart se trouvent entreposés à Châteaudun en attendant que l’imbroglio soit résolu … jusqu’en 1971. De de son côté, l’Armée de l’Air est en plein programme de rééquipement en Jaguar et Mirage F-1. Mais c’est décidé, les Mirage 5 devenus ‘F’ entreront dans son inventaire.
Les ‘5F’ sont mis en service à partir d’avril 1972, moyennant quelques adaptations, la principale étant la modification des réacteurs : Atar 9-C5 à démarreur à air comprimé pour les 5J, Atar 9-C7 à démarreur électrique pour les 5F.
Premier escadron équipé, le 3/13 Auvergne est recréé le 1er mars sur la BA 132 aux côtés des 1/13 Artois et 2/13 Alpes, tous deux équipés de Mirage IIIE.
Le 3/13 reçoit son premier 5F le 5 avril 1972, le n°6 convoyé par le capitaine Basquin. Les avions sont livrés en fini ‘aluminium’, peu adapté à leur mission en pays FATAC. A la fin de l’année 1972, l’ Auvergne a une dotation de huit Mirage, en majorité des gros numéros.
Les Mirage 5 reçoivent une décoration d’unité assortie à leur livrée brillante: la SPA 85 La Folie à gauche et le Morietur de la 4.GC II/9, à droite, apposés sur une grande flèche noire. Au début des années 70, les autres Mirage de l’AA sont également bien pourvus en décoration de dérive.
Durant deux années, l’EC 3/13 est le seul à voler sur ces avions très pointus. Il expérimente les utilisations opérationnelles du ‘camion à bombes’ de la FATAC. Les pilotes de Mirage 5 deviennent des virtuoses de la navigation au chronomètre et au compas, un TACAN venant compléter leur panoplie de chasseurs temps clair.
Le 5 juin 1974, le premier 5F arrive à Nancy. Le 1er juillet, le second escadron Mirage 5F est créé, cette fois sur la BA 133, aux côtés des EC 1/3 Navarre et 2/3 Champagne. Il s’agit évidemment du 3/3 Ardennes, qui avait été dissous le 15 novembre 1957 à Reims. Nancy devient une base à quatre escadrons, en comptant le CEVSV 338 et ses T-33.
A Ochey, la décoration initiale est au diapason de celle de Meyenheim, de belles et grandes hures de sanglier ornant les côtés de la dérive (ruban rouge à droite et bleu à gauche).
Cependant, au tournant des années 1974 et 1975, les 5F passent à l’atelier de peinture et reçoivent leur livrée 3 tons (en comptant le dessous de l’avion). Le 19 (3-XG) est le premier camouflé.
A partir de 1975, l’ensemble de la flotte est camouflée. Cependant, les insignes demeurent de grande taille, et un large liseré rouge orne les entrées d’air, de même que la cocarde garde son liseré et sa grande taille.
L’année 1976 voit un grand événement pour le 2/13 Auvergne: après une première participation en 1974, l’escadron remporte le Tactical Weapons Meet à Twenthe (Pays-Bas) devançant les équipes de l’OTAN volant sur F-4, F-5 ou F-104. L’entraînement a primé sur la sophistication des systèmes d’armes.
Le Mirage 5 ne fera pas une longue carrière à la ‘Trois’ : au tout début de 1977, le 3/3 se prépare à accueillir les Jaguar tandis que les 5F sont regroupés sur la BA 132. En effet, l’attrition opérationnelle des IIIE (importante) justifie d’attribuer les 5F au 2/13 Alpes (premiers avions les 6 et 7 janvier).
La configuration définitive du 5F dans l’AA est alors trouvée: deux escadrons au sein de la Treize, avec un autre de IIIE. A partir de cette époque également, des antennes VOR/ILS apparaissent au sommet des dérives.
De même, les escadrons de Meyenheim maîtrisent des missions et des armes spécifiques. Il y a la mission d’épandage de produits inertes pour entraîner les armées à une attaque chimique, peu médiatisée.
Avec deux RPK (réservoirs pendulaires kangourou) chacun équipé de 4 bombes de 250 kg et un réservoir ventral de 1300 litres, plus deux missiles d’auto-défense, les Mirage 5F alsaciens sont de puissantes plate-formes d’attaque, rapides et difficiles à neutraliser sur un champ de bataille en Centre-Europe.
A partir de 1981, l’esthétique en prend un coup : au diapason des autres unités FATAC, les 5F reçoivent une décoration basse-visibilité. Petites cocardes sans liseré, étroit liseré rouge d’entrée d’air et insignes d’escadrilles de taille rikiki seront de rigueur. Vers la fin des années 80, on verra même des insignes monochromes.
Ironie du sort, en 1979 le Chili commande des Mirage 5, mais exige d’être livré en urgence. ‘Naturellement’, l’Armée de l’Air est mise à contribution et reverse huit Mirage 5 à Dassault (n°1, 3, 5, 8, 16, 23, 28, 30) … Mais l’AA commande alors un lot de huit 5F neufs (ils porteront les n° 51 à 58), qui seront livrés en 1983 et 1984 … alors que le 2000C fait son apparition en escadron !
L’histoire des 5F s’achèvera le 29 juin 1994, avec l’atterrissage des 32 et 34 à Châteaudun, le 2/13 Alpes disparaissant dans la foulée. Des Mirage 5 seront revendus, quelques-uns préservés.
Loin d’être anecdotique, l’épopée des Mirage 5 français prouve que l’entraînement opérationnel est un facteur décisif qui parfois prend le dessus par rapport à la sophistication d’un système.
Une leçon que l’on devrait toujours avoir à l’esprit quand on s’occupe d’une force aérienne.
Copyright: Alexandre et escadrilles.org
Remerciements: à Eric Moreau et Alain Crosnier pour trois belles photos.
Référence: tous les détails sur la vie des Mirage 5F peuvent être trouvés dans le livre ‘Les Mirage IIIR/RD & 5F dans l’Armée de l’Air’ (B. Chenel, E. Moreau, M. Liébert. Editions DTU, 408 pages).