Pas d’internet, pas de fax, pas de de téléphone portable … AIRFAN n’existait même pas ! Comment avions-nous su ? Toujours est-il qu’après un départ à 2 heures du matin de notre Lorraine natale, nous nous retrouvions, Philippe et moi-même, sac photo en bandoulière devant l’entrée de la base de Kleine Brögel.
Le 18ème Tiger Meet était en effet hébergé par la 31ème escadrille de la Force Aérienne Belge, et ce vendredi 23 juin 1978, les portes étaient ouvertes.
Sans expérience de cet exercice international, nous savions cependant y trouver bon nombre de nos avions favoris, y compris le fabuleux Starfighter, …
… A défaut d’y voir les SMB2 du Cambrésis qui avaient fait leurs adieux à la scène l’année précédente, lors de l’édition de 1977 à Greenham Common.
L’exposition statique étant vite dévalée, nous fûmes bientôt découragés dans notre tentative de photographier une poignée de F-84F qui servaient de leurres un peu à l’écart du parking.
Tout ce qui n’est pas interdit étant a priori autorisé, nous voici ensuite marchant d’un pas décidé sur la route de ceinture de la base … direction ‘En Face’ !
Les ‘En Face’ sont célèbres sur toutes les bases aériennes ouvertes au public, car on y trouve en général les aéronefs qui vont voler, et plus si affinités. Il n’y a jamais de barrière, uniquement des personnels autorisés, et le photographe peut donner libre cours à son inspiration.
Fort heureusement, un bus militaire eut bientôt pitié de nous, et les aviateurs nous firent un peu de place avant de nous déposer ‘En Face’, là où l’on pouvait photographier les machines volantes en liberté.
Quelques petits grains n’empêchèrent pas une inspection en bonne et due forme des alvéoles qui abritaient les pépites convoitées, lesquelles effectuaient les mises en route pour les missions du matin.
Si mes souvenirs sont brouillés, les photos sont heureusement encore là pour les raviver. De plus, le numéro 2 d’Airfan, décembre 1978, me donne le programme de ce Tiger Meet de 1978.
La vedette du jour était évidemment le 104 FX-52, portant une des plus belles décos tigres qui fut jamais peintes sur un avion. Avec en écho d’ailleurs, un Puma du 230 Sqn RAF, non moins tigré.
Les autres vedettes, même pour les habitués, étaient les G-91R de l’Esquadra 301 Jaguares de Montijo: les petits FIAT venus pour tenir compagnie aux renards-tigres du LKG 43 d’Oldenburg.
Les avions de la FAP faisaient ainsi une entrée remarquée dans la compétition de l’OTAN …
… le Portugal s’étant libéré de la dictature de Salazar lors de la ‘Révolution des Oeillets’, en 1976.
Pour continuer avec les avions qui défilaient devant nous, les Starfighter du 439e Sqn canadien forcèrent évidemment notre admiration, revêtus d’un camouflage deux-tons tout neuf.
Deux autres ‘FIAT’, mais cette fois des F-104S du 23e Gruppo, venaient agrémenter la panoplie de Starfighter invités sur la base de KB pour ce Tiger Meet.
Leurs grandes immatriculations blanches et leurs cocardes de belle taille tranchaient avec la volonté de basse visibilité affichée par le camouflage.
Enfin, côté Starfighter, le panorama était complet avec les avions du Marine Flieger 1, venus de la base de Schleswig.
C’est alors qu’un F-15A du 53e TFS de Bitburg taxya vers le point de manoeuvre pour son décollage.
Dans mon souvenir, il s’arracha comme une fusée jusqu’à ce qu’on le perde de vue dans un trou bleu entre les nuages. Un roulage de moins de 500 mètres peut-être ?
Notre reportage ‘En Face’ terminé, il était temps de repasser du côté public du show, car ça volait bien. Le 31e Smaldeel semblait mettre tout son monde en l’air.
Après l’envol des avions sans ailes, deux F-5 (norvégiens ?) vinrent manoeuvrer si bas et si fort que le souffle des réacteurs inclina le haut des feuillages des arbres. C’est ainsi que j’ai imprimé la scène, car il n’y avait pas de photo possible avec mon équipement de l’époque.
Cette journée merveilleuse passa très vite. Grisés par l’émotion, nous n’eûmes pas besoin de 36 cafés pour nous transporter du Limbourg jusqu’en Lorraine. C’est le privilège d’un photographe de plus de 60 ans que de donner un tableau impressionniste et pas du tout technique de ce Tiger Meet d’il y a plus de quatre décennies.
Combien étions-nous, en 1978, à faire le voyage du Tiger Meet ? Le NTM, comme on dit maintenant : un des ‘pèlerinages’ quasi-incontournables du paysage des spotters européens d’aujourd’hui.
Peu importe d’ailleurs. Les temps changent, les avions changent, les pilotes changent … A l’instar de quelques photographes noyés dans la masse qui transportent avec eux des souvenirs enfouis sous les sédiments des années, qui de temps en temps resurgissent.
Savez-vous qu’en voyant une image de F-104 atterrissant moteur au ralenti, j’entends encore le ronflement bien particulier de son réacteur ?
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