Plaçons ce reportage dans l’histoire de l’aviation embarquée tricolore après-guerre : 1975 se situe à une période charnière pour les porte-avions, et vers la fin d’une ère de stabilité pour les avions à réaction, reconnaissance, intercepteur et tactique.
La (re)naissance de l’aviation embarquée française a eu lieu au moment de la guerre d’Indochine, avec deux porte-avions d’origine britannique, le Dixmude, porte-avions d’escorte admis au service en 1945, désarmé en 1960, et l’Arromanches (ex-Colossus, admis au service en 1946 et désarmé à Toulon en janvier 1974).
Deux porte-avions légers furent ensuite prêtés par les Etats-Unis, au titre de l’OTAN, le La Fayette (ex-Langley, admis au service en septembre 1951) et le Bois-Belleau (ex-Belleau Wood, admis au service fin-1953). Ils furent rendus aux Américains en 1960 et 1963.
A partir de 1963, la Marine Nationale disposa des deux unités construites en France, le Clemenceau (R98, admis au service en novembre 1961) et le Foch (R99, admis au service en juillet 1963). A l’époque de notre reportage, le port d’attache des deux PA français est Brest. En effet, le commandement ALPA fut basé à Brest de 1967 à octobre 1975.
Chacun des deux porte-avions français pouvait embarquer jusqu’à 40 aéronefs, dont 4 hélicoptères, deux flottilles de chasse, un détachement de surveillance et d’attaque, plus le détachement reco (flottille 16F).
Du côté des avions, après 1972 et jusqu’en 1978, les choses se stabilisèrent de la manière suivante : pour les Alizé, une flottille à Lann-Bihoué (la 4F), et une flottille à Garons (la 6F). Les deux flottilles de Crusader, les 12F et 14F, étaient basées à Landivisiau.
Quant aux Etendard, sujets principaux de ce reportage, leurs flottilles étaient localisées à Landivisiau (11F d’attaque et 16F de reconnaissance) et à Hyères (17F d’attaque). Notre photographe captura les opérations d’entraînement des flottilles 11F et 16F en zone sud-Bretagne.
Le Dassault Etendard (GAMD à l’époque de la construction des Etendard) est bien sûr le premier jet embarqué de conception nationale. Avion léger et simple, il n’en est pas moins doté de la capacité de ravitaillement en vol (pour ainsi dire requise à bord d’un PA).
Construit en série à 69 exemplaires, ce chasseur tactique maniable était issu de programmes de prototypes du milieu des années 50. Il était adapté à la puissance des réacteurs français disponibles à cette époque (Atar 8C, 4400 kg de poussée max).
De plus, l’Etendard correspondait bien à la taille des porte-avions de notre marine, et à la puissance des catapultes. La flottille 11F fut la première à délaisser le IVM, en août 1978, pour adopter le Super-Etendard, à partir de septembre 1978.
En 1974-75, l’Etendard IVM voyait se profiler la fin de son service opérationnel à la 11F, mais il volera à l’Ecole de Chasse Embarquée (escadrille 59S) jusqu’au 1er juillet 1991.
Si l’emploi du IVM au combat fut limité, il n’en alla pas de même de l’Etendard IVP, qui connut de multiples péripéties guerrières, principalement au sein de la 16F.
En 1974-75, la période des désordres internationaux impliquant l’utilisation répétée du groupe aérien embarqué en zone de conflit n’avait pas encore débuté.
Le IVP fut un acteur très sollicité lors de toutes ces missions opérationnelles, du Moyen-Orient aux Balkans … nous avons déjà relaté certains épisodes chauds. Irremplaçable au point que l’Etendard de reconnaissance demeura à l’inventaire … jusqu’en juillet 2000 !
Notre reportage photo permet un flash-back sur une période reculée mais déjà moderne durant laquelle le savoir-faire ‘réacteur’ de l’aviation navale embarquée était bien acquis.
L’efficacité du GAE constitué autour du Charles-de-Gaulle aujourd’hui repose sur cette longue tradition, associée à une modernisation continue des matériels et à des compétences maintenues au plus haut niveau grâce à un entraînement des plus exigeants.
Dommage quand même que les politiques aient rogné les ailes de cette aviation embarquée en ne permettant la construction et l’entretien que d’un seul porte-avions …
Les temps sont durs pour les Armées, mais notre Aéro reste au top !
Copyright: Alexandre pour le texte, et escadrilles.org
Remerciements: à Jean-Michel pour la mise à disposition de photographies rares, et au SIRPA-Marine pour la photo de Rafale.