Avion apparu presque par surprise au Salon du Bourget de 1979, le Super Mirage 4000 se présentait comme l’ultime tentative pour doter l’Armée de l’Air du chasseur (lourd) biréacteur qu’elle avait toujours souhaité, après le renoncement au programme ACF (ou Mirage G8A), lui-même dernier avatar des brillantissimes Mirage G8.
Les études pour le Super Mirage 4000 avaient été lancées en 1976, en parallèle de celles du Mirage 2000 qui venait d’être choisi pour équiper l’Armée de l’Air. Le compromis agréé entre Marcel Dassault et le président de la République qui décida l’arrêt du programme ACF impliquait en effet le développement d’un chasseur monoréacteur financé par l’Etat, et l’étude d’un nouveau chasseur lourd financé par l’industriel.
Il faut quand même rappeler qu’à cette époque, l’Armée de l’Air mettait en service deux nouveaux avions de combat, le SEPECAT Jaguar et le Mirage F-1, et un bi-réacteur d’entraînement avancé, l’Alphajet. Une prodigalité inédite pour l’aviation de chasse française.
S’agissait-il pour Dassault de réitérer le succès du duo Mirage III/Mirage IV, deux avions homothétiques (rapport 1,44 en enlevant la perche du M IV), l’un mono et l’autre biréacteur. L’entreprise escomptait-elle en outre proposer un remplaçant au bombardier, alors que le Mirage 4000 était présenté comme un chasseur de supériorité aérienne ?
En tout cas, bénéficiant de ‘l’effet de série’ pour les prototypes, le programme du 4000 fut mené tambour battant avec un premier vol le 9 mars 1979, soit un an après celui du Mirage 2000, aux mains de Jean-Marie Saget. Pendant ce premier vol, le Super Mirage atteint la vitesse de Mach 1,6.
Le 11 avril 1979, lors de son sixième vol d’essai, l’avion dépassa Mach 2 grâce à ses deux moteurs M-53 prélevés du programme Mirage 2000. Le 4000 dispose d’entrées d’air avec les souris ‘Dassault’ qui lui permettaient d’atteindre facilement Mach 2,2, cette limite ne pouvant être dépassée en raison du ‘mur de la chaleur’ pour les structures en alliage d’aluminium.
A cette époque, le Super Mirage 4000 est donc un avion superlatif de la classe du F-15 ou du Su-27 : en tant qu’intercepteur il peut atteindre un plafond de 20 000 m et afficher un taux de montée insolent (18 000 m/min en initial). Les deux tonnes de carburant logées dans la dérive lui assurent une belle allonge, le problème du centrage étant résolu grâce aux plans canards disposés sur l’entrée d’air (comme le Rafale), lesquels procurent à l’avion une capacité de manoeuvre à haute incidence meilleure que celle du 2000.
Malgré la réussite exceptionnelle du prototype, la France, engagée dans le programme du Mirage 2000, refusa de financer les cinq avions de présérie souhaités par le constructeur. La campagne d’essais en vol fut interrompue en juin 1983. Mais Dassault se mit en quête de clients export pour cet avion hors classe : un temps, les Etats pétroliers du Moyen-Orient laissèrent espérer un débouché pour le Super Mirage.
A partir du 18 décembre 1985, les vols reprirent avec l’espoir sérieux d’une commande saoudienne (ce pays disposait déjà de F-15C et de Tornado). Le Mirage 4000 était alors remotorisé avec des Snecma M53-P2, et il avait revêtu un camouflage désert qui traduisait l’espoir export de la maison Dassault … mais aucune commande ne se concrétisa.
Le destin d’un Super Mirage n’était-il pas de s’évanouir dans les sables d’Arabie ?
A partir de 1987, le Super Mirage 4000 mena des essais dans le cadre du programme Rafale, un biréacteur ‘léger’ pour le coup. Le prototype du 4000 effectua son dernier vol le 8 janvier 1988, alors que le démonstrateur Rafale A volait depuis plus d’un an. Il se trouve au musée de l’Air et de l’Espace depuis 1992 et a été restauré par l’association IT Mercure … mais il séjournerait encore à l’air libre, à l’abri de la pluie, toutefois.
La mise en service du Rafale intervint … 17 ans plus tard : la ‘Détente’ et ses fameux dividendes … aussi insaisissables pour la plupart que le fut le Super Mirage 4000 pour l’Armée de l’Air.
Alexandre et escadrilles.org