De 1965 à 1992, la Treize utilisa ses Mirage IIIE dans des missions air-air et air-sol : elle excella notamment dans l’interception à haute altitude avec moteur-fusée, avant d’inaugurer le Magic pour les missions de supériorité aérienne.
A l’époque de l’arrivée du Mirage IIIE dans l’Armée de l’Air, la Treize vole sur Mirage IIIC : les deux escadrons de l’escadre utilisent la première version du chasseur delta depuis à peine deux ans et demi. Il est néanmoins décidé de rééquiper les unités de Colmar avec la version tous-temps du Mirage, peut-être en raison de la proximité de la RDA et du débouché proche (250 km) de la trouée de « Fulda », particularité topographique réputée permettre une percée rapide des forces du Pacte de Varsovie.
En novembre 1964, des pilotes du 1/13 Artois et 2/13 Alpes se rendent au CEAM de Mont-de-Marsan, même si c’est le 2/13 le premier escadron à se voir officiellement doté du Mirage IIIE dans l’Armée de l’Air : des avions en livrée aluminium et d’une grande flèche bleu nuit et bleu ciel sur la dérive (symbole de la vocation tous-temps de la Treize, depuis sa création et le F-86K). La transformation de l’EC 2/13 continue à Mont-de-Marsan jusqu’au 1er avril 1965, jour d’un envol de 14 oiseaux vers la base de Colmar Meyenheim.
C’est le 29 avril 1965 que deux avions sont attribués au 1/13, et à la fin juillet, la Treize et ses deux escadrons sont dotés de 30 Mirage IIIE, ainsi que de trois Mirage IIIB. La base de Colmar héberge aussi des avions de la Trois, puisque les pilotes de Lahr viennent se transformer sur la BA 132. La nouvelle vocation basse altitude tous-temps de l’escadre implique la création en France de couloirs de navigation réservés à cette activité.
Dès la fin d’année 1965, l’escadre effectue des entraînements au tir du Matra 530, le missile air-air longue portée disponible à cette époque, en versions EM et IR. Mais à cette époque, les Mirage de Colmar ne semblent pas avoir une mission principale de DA, les pilotes s’entraînant indifféremment aux missions air-air et air-sol, avec le tir des engins guidés en service : Nord AS-20 et AS-30. Les Mirage IIIE de la Treize comptent alors parmi les meilleurs chasseurs du monde, avec un SNA polyvalent et les exercices ‘La Fayette’ franco-américains de 1966 et 1967 démontrent la valeur des Mirage tant dans les missions air-surface que dans les missions air-air.
L’apparition des premiers Mirage camouflés à Colmar date de 1969 : dans une première modalité, les avions portent leur code d’unité sur le milieu du fuselage, et conservent un drapeau de dérive tricolore, sur la gouverne de direction. Mais progressivement, le schéma de camouflage évolue vers l’abandon du drapeau de dérive, et la migration du code d’unité vers l’avant du fuselage. Ce nouveau mode de décoration semble complètement adopté dès 1974.
A partir de 1971, les missions de l’escadre sont définies comme étant en priorité la défense aérienne (70%) et en secondaire l’appui sol (30%). Les deux escadrons fonctionnent en alternance avec l’un en phase tactique (prêt à prendre part à des opérations) et l’autre en phase instruction (formation des PIM et des pilotes en progression vers des qualifications supérieures). La priorité à la mission interception se traduit par une formation intensive à l’utilisation opérationnelle de la fusée SEPR 844 (1500 kg de poussée).
L’utilisation de cette fusée rend le IIIE spécialement apte à intercepter des avions volant en supersonique et haute altitude (50 000 pieds), à condition de bénéficier d’une excellente coordination avec le contrôleur d’interception au sol. Pour la mission, le Mirage vole également en supersonique (avec deux bidons de 500 l), pouvant allumer la fusée pour gagner la tropopause en 3 min, puis la réallumer dans la phase finale en haute altitude, le réacteur poussant peu, la fusée permettant d’élargir le domaine de vol lors de l’accrochage et du tir du R 530. Compte tenu des performances du missile, et de la vitesse de rapprochement en face à face, la phase critique dure moins d’une minute.
Les entraînements à l’interception fusée se font à des périodes précises dans l’année, 6 ou 8 avions étant convertis avec le moteur-fusée, et la soute à comburant prenant la place du châssis canons. De cette façon, l’entraînement profite pleinement aussi aux mécaniciens, qui pratiquent en intensif la mise en oeuvre de ces dispositifs spécifiques, et tout le monde parvient à une bonne disponibilité et à un taux élevé de réussite des interceptions. La Treize se fait une spécialité de l’interception en HA avec fusée (les pilotes revêtent la combinaison stratosphérique étanche). Les plastrons (parfois des Mirage IV) sont engagés jusqu’à 60 000 pieds.
En avril 1972, la physionomie de la BA 132 change avec l’arrivée des Mirage 5F au sein du nouvel escadron 3/13 Auvergne. Il y a donc 45 Mirage au moins sur la plateforme de Meyenheim. Ces années voient aussi transiter sur la base des pilotes étrangers en instruction sur IIIE : Lybie, Arabie Saoudite, notamment.
Au milieu des années 70, des exercices d’interception à moyenne ou basse altitude deviennent de plus en plus fréquents : ces missions plus difficiles ne supplantent pas la mission principale d’interception HA. Les avions sont souvent dotés de réservoirs de 1300 l, des canons et de deux missiles Sidewinder.
Une des missions attribuées à la Treize dans le cadre de l’OTAN est la protection de la liberté de passage dans les couloirs aériens vers Berlin : pour ces missions, des exercices particuliers, par exemple « Live Oak », sont menés à bien avec les principales forces aériennes présentes en Allemagne. Il y a notamment le déploiement de 4 ou 6 avions sur des bases comme RAF Wildenrath.
Le premier trimestre 1977 voit la transition du 2/13 sur Mirage 5F : ses IIIE rejoignent progressivement les autres escadrons, dont le 1/13. Les Menton et les Métro sont désormais spécialisés dans l’attaque au sol, alors que les Melba restent axés sur les missions de défense aérienne et de supériorité au-dessus du champ de bataille.
Les IIIE suivent progressivement un chantier de modernisation (à l’AIA d’Aulnat) pour permettre l’emport du R.550 Magic à la place du Sidewinder. Ce nouveau missile sera introduit en escadron à partir de 1980.
La plupart des 29 IIIE de la 13 qui furent accidentés ou détruits le furent avant 1975. Cependant, la première semaine de juillet 1980 restera comme une période noire dans l’histoire des escadrons de Mirage : le 1/13 perd trois pilotes en quelques jours, dont deux lors d’une collision en vol pendant un exercice d’interception.
Le début des années 80 se traduit par davantage d’exercices ou déploiements en lien avec l’OTAN, comme des exercices DACT à Decimomannu. La mission interception à moyenne altitude prend davantage d’importance, mais le 1/13 continue à s’entraîner à l’air-sol, tirant son quota de bombes, roquettes et AS-30, à Cazaux ou à Solenzara.
Durant ces années, il y a des échanges fréquents, comme avec le JG 74 de Neuburg, donnant lieu à des très fructueux DACT. Des insignes d’escadrille de taille micro font leur apparition sur les dérives des Mirage.
En juin 1986, une petite révolution se produit au 1/13 : l’Artois reçoit les biplaces en provenance de Dijon. Ces derniers sont affectés à l’escadron, avec des nouvelles escadrilles, les SPA 155 et SPA 160. Les IIIE du 1/13 demeurent liés aux traditionnelles SPA 83 et SPA 100. C’est ainsi avec plus de 55 Mirage sur le sol de la BA 132 que la Treize peut célébrer ses 30 ans, en mai 1987.
Mais durant l’été, la dotation en Mirage IIIE est diminuée de 16 à 12 avions, car la charge de 27 avions est trop lourde pour l’escadron. Cette période voit d’ailleurs le début des « dernières »: derniers tirs de Sidewinder en février 90 à Cazaux.
Pour les 25 ans du IIIE à Colmar, le 1er avril 1990, on trouve au 1/13 les cinq premiers IIIE de série, miraculeusement épargnés par l’attrition. Dès 1991, on voit apparaître à Meyenheim davantage de IIIE construits après le n°465 : ils proviennent de Nancy et se caractérisent par des CME évoluées, dont un aérien est bien visible à l’avant de la dérive.
En 1992, les derniers mois du IIIE au 1/13 voient des pilotes partir en transformation sur F-1CT, et une déflation progressive du parc. Le dernier exercice DATEX a lieu les 7-8 avril, et la dernière coupe Comète du 1/13, disputée en mai à Cazaux : l’escadron s’y classe 6ème avec ses vénérables deltas désormais surclassés par les Mirage plus récents.
Enfin, le 26 juin 1992 un défilé de 4 avions marque le retrait officiel du IIIE à Colmar, deux Mirage demeurant sur place (le 403 et le 483), l’un restera exposé à l’entrée de la BA 132. Les deux escadrons de IIIE auront fortement marqué l’histoire aujourd’hui achevée de la base de Meyenheim.
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Référence: Le Mirage IIIE dans l’Armée de l’Air (Chenel, Moreau & Audouin, DTU 2004)
Remerciements: pour leur accueil bienveillant à la « Treize », les Lt-Col D’Ouince (1978) et Gosset (1988)