Escadrilles.org
Accueil » L’Armée de l’Air à travers les âges » L’Armée de l’Air en 1955

L’Armée de l’Air en 1955

Les unités volantes de l’Armée de l’Air, fin-1955

L’Armée de l’Air de la fin 1955 est en plein renouveau : encore marquée par la défaite de Dien Bien Phu (après une résistance héroïque du camp), elle n’en regarde pas moins vers l’avenir avec optimisme. Cet avenir s’inscrit dans le contexte d’une rapide montée en puissance de l’OTAN, au sein de laquelle la France, avec sa force aérienne, est appelée à jouer un rôle central. A cette époque, l’AA compte environ 129 000 hommes, pour une flotte de plus de 1000 avions (dont 650 appareils de combat).

B-26 GB I/19

Avec le conflit indochinois, les bombardiers sont de retour: ici un avion du « Gascogne »

La fin de la guerre d’Indochine a mis en lumière le rôle incontournable de l’action aérienne dans tout conflit important (au moment du cessez-le-feu, l’Armée de l’Air entretient 388 avions en Extrême-Orient, soit 20% de sa flotte) : après la destruction de l’aérodrome de Dien Bien Phu, dès le début de l’offensive Viet Minh, l’action aérienne eût un rôle central dans le cours des évènements. D’une part, la résistance du camp retranché dépendit immédiatement du flux logistique permis par les unités de transport aérien stationnées au Tonkin (les hautes autorités militaires et civiles avaient été averties très tôt -avant le déclenchement de l’opération Castor- de l’insuffisance de ces moyens, selon la littérature).

Noratlas GT II-64 Anjou

Les Noratlas de l’Anjou apparaissent en Indochine après la défaite de Dien Bien Phu

D’autre part, en l’absence d’artillerie suffisante, les troupes communistes ne pouvaient être contenues qu’avec l’aide d’un appui aérien important et incessant. Or, le manque d’allonge (voire l’inadaptation) d’une grande partie des moyens de combat de l’Armée de l’Air et de la Marine ainsi que la livraison trop tardive d’avions plus adaptés par notre grand « allié » US (d’abord opposé à cette «guerre de décolonisation» menée par la France) ne contribuèrent pas à un redressement de la situation (redressement qui d’ailleurs était improbable). [Digression : ces deux points, sur le flux logistique permis par les moyens aériens français, et sur l’adaptation insuffisante des moyens d’appui disponibles, demeurent d’une cruelle actualité]

F-84G EC 3/3

Grâce au PAM, 14 escadrons sont bientôt équipés de Thunderjet (ici le 3/3)

La France membre central de l’OTAN, c’est un fait depuis la création de l’Union Occidentale en 1948, et sa transformation en OTAN à partir du traité de Washington le 4 avril 1949. La Guerre de Corée (début le 25 juin 1950) va inciter les Etats-Unis à s’impliquer dans la défense de l’Europe. L’équipement de l’Armée de l’Air, resté un point faible jusqu’à la fin des années 40, subit un coup de fouet majeur dès le début de la décennie cinquante : d’une part des avions français technologiquement avancés sont livrés aux unités à partir de 1952 (Dassault MD.450 Ouragan, Nord 2501 Noratlas, …), d’autre part des livraisons massives d’aéronefs US interviennent dès 1951, dans le cadre des plans PAM ( Lockheed T-33A, Republic F-84E/G). Dans ce même contexte, des programmes off-shore (fin-1951) consistent aussi à favoriser la fabrication d’aéronefs européens grâce à des crédits US.

T-33A Meknès

Les T-birds investissent l’Ecole de Chasse de Meknès à partir de 1951

Les premières livraisons d’avion à réaction opérationnels sont cependant intervenues dès décembre 1948 (De Havilland Vampire, en service à la 2è escadre de chasse en 1949). Le Douglas C-47 Dakota constitue l’épine dorsale des escadres de transport. Les premiers hélicoptères ont acquis leurs lettres de noblesse sur le théâtre indochinois (Hiller 360, Sikorsky S-51). Sur le plan de l’organisation des unités, l’OTAN imprime sa marque, avec la création de la 2è et 4è ATAF, cette dernière chapeautant le 1er CATAC (commandement aérien tactique) créé en juillet 1953. Mais la défense aérienne demeure sous souveraineté nationale, avec la DAT (défense aérienne du territoire), et s’équipe d’avions conçus en France (Ouragan) ou en Angleterre (Meteor NF-11).

Ouragan EC 2-2

Première contribution de Dassault à l’aviation de chasse, l’Ouragan à partir de 1952

La réorganisation en escadres constituées d’escadrons numérotés de façon cohérente (par exemple, l’EC 2/1 Morvan est le deuxième escadron de la 1ère Escadre de Chasse) est intervenue à la fin des années 40, avec un abandon de l’appellation « groupe » pour les unités de chasse. La dénomination « groupe » reste encore la norme pour les unités de transport, en 1955.

RF-84F 27304 1/33

Fin-1955, les premiers « Flash » arrivent pour relever les F-84G du « Belfort »

Sur le plan numérique, l’année 1955 est marquée par une succession de plans (vert, jaune, orange) qui visent à fixer l’importance de l’Armée de l’Air, en fonction des besoins opérationnels (OTAN, outre-mer) … et des contraintes budgétaires. On continue à rêver d’une force de plus de 1000 avions de combat et 170 avions de transport modernes. Mais, cette année-là, la dualité entre une force OTAN et une force disponible pour les opérations de « maintien de l’ordre », apparaît de façon de plus en plus évidente.

Mystère IVA EC 1/12

Nombre de Mystère IVA (ici du 1/12) sont acquis par des commandes off-shore

L’intensification des troubles en Algérie va vite bousculer cette planification laborieuse, imposant bientôt une nouvelle réorganisation (création d’escadrilles d’appui aérien par ponction des effectifs des unités de métropole). A la fin de 1956, environ 700 appareils de l’AA opèrent en Afrique du Nord, et ce n’est qu’un début. Dans les années qui suivent, l’Armée de l’Air va avoir le plus grand mal à tenir son rang dans l’OTAN tout en assurant ses missions de contre-insurrection en Algérie.

Nord 1100 Ramier ELA 43

Les Nord 1100 Ramier sont omniprésents dans les unités de liaison (ici ELA 43)

En ajoutant à ce contexte les sévères compressions budgétaires de 1956-57, c’est à un nouveau défi qu’est confrontée l’AA : près de la moitié de son potentiel est bientôt affectée directement ou indirectement au conflit algérien. Ainsi, en 1958, la force de combat est ramenée de 38 à 31 escadrons, par suppression de 5 escadrons du 1er CATAC et de 2 escadrons de la DAT. L’expression « position de survie » sera employée par des hommes ordinairement peu enclins aux effets de langage. L’Armée de Terre, à court de personnel, demande à l’Armée de l’Air de lui affecter 10 000 aviateurs.
Le chef d’état-major de l’Armée de l’Air, le général Bailly, démissionne le 17 mars 1958.

Tableau récapitulatif des unités à la fin de 1955

(Daniel Frairot et Alexandre)

Unités de Bombardement fin-1955
Groupe Traditions Avion(s) Base
GB I/19 Gascogne SAL28 SPA79 B-26 Invader Tourane (1)
GB I/25 Tunisie 4B3 2.I/25 B-26 Invader Indochine (2)
Unités de Chasse fin-1955
Escadron Traditions Avion(s) Base
EC 1/1 Corse SPA88 SPA69  F-84G St-Dizier
EC 2/1 Morvan SPA94 SPA62  =  =
EC 3/1 Argonne SPA48 SPA31  =  =
EC 1/2 Cigognes SPA3 SPA103  Ouragan Dijon
EC 2/2 Côte d’Or SPA65 SPA67  =  =
EC 3/2 Alsace Strasbourg Mulhouse  =  =
EC 1/3 Navarre SPA95 SPA153 F-84G/F-84F Reims (3)
EC 2/3 Champagne SPA67 SPA75  F-84G  = (3)
EC 3/3 Ardennes 1.III/3 2.III/3  =  =
EC 1/4 Dauphiné SPA37 SPA81  Ouragan Bremgarten
EC 2/4 La Fayette N124 SPA167  =  =
EC 3/4 Flandres SPA155 SPA160  =  =
EC 1/5 Vendée SPA26 SPA124  Mistral Orange
EC 2/5 Ile-de-France Paris Versailles  =  =
EC 3/5 Comtat Venaissin ERC571 SPA171  =  =
EC 1/6 Oranie SPA96 SPA12  Mistral  Oran
EC 2/6 Normandie-Niémen Rouen Le Havre  =  =
EC 1/7 Provence SPA15 SPA77  Mistral  Bizerte
EC 2/7 Nice SPA73 SPA78  =  =
EC 1/8 Maghreb ERC573  Mistral  Rabat
EC 2/8 Languedoc 3C1 SPA38  =  = (4)
EC 1/9 Limousin 1.I/9 2.I/9  F-84E/G, T-33  Lahr
EC 2/9 Auvergne SPA85 2.II/9  F-84E/G  = (5)
EC 1/10 Parisis SPA99  Vampire  Creil
EC 2/10 Seine ERC 1/561  =  =
EC 1/11 Roussillon 1.III/6 2.III/6  F-84G  Luxeuil
EC 2/11 Vosges SPA91 SPA97  =  =
EC 3/11 Jura SPA158 SPA161  =  =
EC 1/12 Cambrésis SPA162 SPA89  Ouragan  Cambrai
EC 2/12 Picardie SPA173 SPA172  Ouragan/Mystère IVA  =
EC 3/12 Cornouailles Scorpion Dogue  =  =
EEOC 1/17 EEC 1/17  P-47D  Oran (6)
EEC 2/17 Valois SPA84 SPA93  Vampire  Creil (7)
EC 1/30 Loire C46 2.1/30  Meteor T-7/NF-11  Tours
EC 2/30 Camargue ERC 2/562  =  Tours
EC 3/30 Lorraine Metz Nancy  =  Tours
GC 1/21 Artois SPA83 SPA100  Bearcat  Bien Hoa (8)
GC 1/22 Saintonge 3C2 4C1  Bearcat  Nha Trang (9)
GC 2/22 Languedoc 3C1 SPA38  Bearcat  Nha Trang (10)
13è Escadre de Chasse vole sur T-33A Lahr (23)
Unités de Reconnaissance fin-1955
Groupe Traditions Avion(s) Base
ER 1/33 Belfort  SAL33 F-84G/RF-84F Cognac (11)
ER 2/33 Savoie  SAL6 F-84G Cognac
ER 3/33 Moselle  BR11 F-84G Cognac (12)
ERP 2/19 Armagnac BR121 F119 RB-26C Invader Tourane (13)
EROM 80  EROM80 F-8F Bearcat Tourane (14)
Unités de Transport fin-1955
Groupe Traditions Avion(s) Base
GT 1/61 Touraine VB101 VB113  C-47  Orléans
GT 2/61 Maine BR237 BR216  Languedoc  Orléans (15)
GT 3/61 Poitou 1.IV/15 2.IV/15  C-47  Orléans
GT 1/62 Algérie SPA Bi55 SAL8  C-47  Alger
GT 2/62 Franche-Comté SAL19 BR104  C-47  Orléans
GT 3/62 Sahara 1.3/62 2.3/62  Alger (16)
GT 1/63 Bretagne Rennes Nantes  Ju 52/Nord 2501  Thies
GT 2/63 Sénégal VR558 F554  C-47  Indochine (17)
GT I/64 Béarn SAL14 SAL18  C-47 Tan Son Nhut
GT 2/64 Anjou BR131 BR132  N.2501 Blida, juin 1955
ELA 41 ELA41 NC.701/702, Nord 1101  Dijon
ELA 43 ELA43 NC.701/702, Nord 1101  Bordeaux
ELA 44 ELA44 NC.701/702, Nord 1101  Aix-Les Milles
GLA 45 GLA45 NC.701/702, C-47, LeO 453  Boufarik
ELA 46  NC.702  Rabat
ELA 47  NC.702 Tunis-El Aouina
GLA 48 GLA48  MD.315 Dakar-Ouakam
GLA 49 GLA49  MD.315 Brazzaville
GAM 50 EC565 EC555  MD.315  Ivato
ELA 51  variés  Djibouti
ELA 52 NC.701, MS.500, UH-12, C-45  Indochine
ELA 53 L-20, NC.701, MS.500, Nord 1000  Indochine (18)
ELA 54 L-20, NC.701, MS-500, Nord 1000  Indochine (19)
ELA 55 NC.701/702, Nord 1000/1101, C-45  Lahr (20)
ELA 1/56 Vaucluse C-47, NC.702 Persan Beaumont
GLAM 1/60 GLAM C-47, MD.312, C-45, SO.30P Villacoublay
GTLA 2/60 GAEL C-47, NC.701/702 Villacoublay
Unités d’Hélicoptères fin-1955
Unité Traditions Type(s) Base
EH 1/65 Hiller Indochine (24)
EHM 2/65 WS-51 Indochine (24)
Unités Outre-mer et de Réserve fin-1955
Unité Traditions Type(s) Base
EOM 81  EOM81 MD.315  Bamako
EOM 83  Béthune MD.315  Bangui
EOM 84  Arras MD.315  Pointe Noire
EOM 86  548 MD.315/311  Blida
EOM 87  BR45 MD.315/311  Blida
SASM 99 Languedoc  Boufarik
CER 301  CER301 MS.472/475 Le Bourget (21)
CER 302  CER302 MS.472/475  Cambrai
CER 303  CER303 MS.472/475 Marignane
CER 304  CER304 MS.472/475 Mérignac
CER 305  545 MS.472/475  Alger
CER 306  CER306 MS.472/475, Goëland Lyon-Bron
CERO 307  CERO307 MS.472/475  Nançy
CER 308  CER308 MS.472/475 Francazal
CER 309  CER309 MS.472/475  Oran
CER 310  CER310 MS.472/475 Casablanca
CERO 311  CERO311 MS.472/475  Tours
Ecoles et autres fin-1955
Entité Aéronef(s) Base
Ecole de l’Air SIPA, MS.733, MD.311/312 /315, Mistral, Ju.52, MS.500 Salon
Ecole d’Application du Personnel Navigant  T-6 Marrakech
Ecole de Chasse T-33A, Meknès
Ecole de Transformation des Pilotes de Bimoteurs MD.311/312 Avord
Centre d’Instruction du Personnel Navigant MD.315R radar Tours
Centre d’Instruction des Equipages de Transport MD.311/312/315, C-45, C-47, NC.701 Francazal (22)
Ecole d’Application des Troupes Aéroportées C-47, Ju 52 Pau
Ecole des mécaniciens variés Rochefort
CEAM MD.312/315, MD.450/452/454, … Mont-de-Marsan

Notes:

(1) dissous le 01/11/1955
(2) dissous le 01/08/1955
(3) transformation sur F-84F à partir de novembre 1955
(4) ex- 2/22, recréé sur Mistral en juillet 1955
(5) constitué le 1er août 1954 après dissolution du II/21
(6) Escadron d’Entrainement Opérationnel et de Calibration
(7) Escadron d’Entrainement et de Calibration
(8) dissous le 01/02/1955
(9) dissous le 01/02/1956
(10) dissous le 01/03/1955
(11) début de transformation en novembre 55
(12) créé le 1er avril 1955
(13) dissous le 01/08/1955
(14) dissous le 01/09/1955
(15) transfo sur C-47 à partir de mars 1955
(16) créé à Alger le 16 mars 56
(17) dissous le 01/07/1955
(18) dissous le 03/01/1955
(19) dissous le 10/05/1955
(20) perçoit des MD.312 en mars 55
(21) les Centres d’Entraînement des Réserves deviendront des escadrilles ERALA à partir de 1957
(22) perçoit des Noratlas début 1955
(23) la 13ème escadre de chasse tous temps est créée à Lahr le 01/03/1955, mais on ne lui attribuera des escadrons qu’en avril et octobre 1956 (EC 1/13 Artois et 2/13 Alpes), et elle ne touchera ses F-86K qu’en 1957 (à Meyenheim)
(24) A la fin de 1955, seuls des Sikorsky H-19 et HRS-3 étaient en dotation, à l’EH 1/65. Les Hiller et les Sikorsky S-51 ont été retirés du service entre 1954 et fin-1955.

!! Signalez-nous les erreurs, elles seront corrigées !!

Remerciements: à Christian Boisselon et Alain Gréa pour leurs archives photos. A Alain Godé, pour ses corrections

Copyright: Alexandre, Daniel Frairot, escadrilles.org, tous droits réservés.

Livres de référence:
L’Histoire de l’Armée de l’Air. P. Facon, 2009. La documentation française, 558pp.
La Force Aérienne tactique 1965-1994. C. Nachbauer & D. Vivier, 1998. Association Point Fixe, 400pp.

Sites de référence: Traditions de l’Armée de l’Air