En 1985, le contexte mondial n’est pas à la détente: aux USA, les présidences de Reagan ont conduit les USA à hausser le ton en matière de dépenses militaires: le traumatisme du Vietnam est oublié, place à la “guerre des étoiles”.
Si la situation stratégique est stable en Europe, c’est au prix d’un effort de défense substantiel de part et d’autre du rideau de fer. Mais la Guerre Froide se joue aussi en Afrique, où l’on tente de se déstabiliser par alliés interposés.
En France, les dépenses militaires ont augmenté pendant les « années Giscard », jusqu’au seuil symbolique des 3% du PIB. Les « années Mitterand » se traduiront par une lente mais constante décrue ; en 1985, on est à 2,8%. Décrue qui se poursuivra pendant les « années Chirac ».
Sur l’échiquier mondial, notre pays joue sa propre partition en Afrique, s’opposant aux vélléités « d’Union Africaine » promues par un « ami » de longue date, le président Khadafi. L’Armée de l’Air est aux premières loges, avec la « diplomatie du Jaguar ».
Les événements tchadiens surviennent au moment où l’AA disposent d’un « ensemble d’outils » assez modernes et bien rodés en terme de moyens d’attaque, de défense aérienne et de transport tactique.
Pour ce qui est du transport tactique, les vénérables Noratlas ont en effet définitivement laissé la place aux Transall NG. Les Grises restent cependant employées pour quelques missions spéciales.
Au même moment, l’Armée de l’Air bénéficie d’une modernisation importante de sa flotte de combat, avec le remplacement des Mirage IIIE les plus anciens par son premier avion de combat de 4ème génération, le Mirage 2000.
Avoir enfin un chasseur et un système capable de rivaliser avec les MiG 29, aux côtés des F-16 de l’OTAN, des F-18 canadiens et des F-15 US, c’est important. Le fameux « contrat du siècle » avait en effet clairement montré qu’une vraie génération séparait le F-1 du F-16.
La Force Aérienne Stratégique aéroportée s’est réorganisée et a décru en importance numérique, avec seulement quatre escadrons de Mirage IV et trois de C-135F. En effet, les 16 missiles du plateau d’Albion sont opérationnels pour assurer une premère riposte.
Cependant, le duo Mirage IV/C-135F est quand même substantiellement amélioré avec l’arrivée prochaine du Mirage IVP (et de l’ASMP) et du C-135FR remotorisé (finies les sueurs froides en cas de baisse de régime d’un réacteur au décollage).
Ainsi, la force de combat (FATAC et CAFDA) dispose fin-1985 d’un jeu comportant 29 escadrons opérationnels (y compris les escadrons de conversion, mais sans la Huit), plus trois escadrons de reconnaissance. Soit 475 avions en ligne (à cette époque la dotation théorique d’un escadron est de 15 avions).
Envers du décor, si la force est importante, elle comprend encore 9 escadrons de Mirage IIIC ou IIIE ou Mirage VF, avions certes performants, mais dotés de systèmes d’armes anciens. Qu’adviendrait-il en cas de confrontation avec l’Est ?
Par contre, la modernisation de la reconnaissance est avancée, avec un escadron déjà transformé sur F-1CR (le 2/33), et un autre en passe de l’être. Pour le coup, c’est une révolution sur la BA-124 de Strasbourg-Entzheim, avec un avion vraiment tous-temps doté d’un système de navigation moderne et, comme toujours, une capacité sérieuse de chasseur.
Bien qu’ayant pris du retard, le programme visant à trouver un successeur au couple Mirage IIIE/AN52 à Luxeuil est également dans les tuyaux, les premiers 2000N volant à l’état de prototype ou étant en production. Pourvu du missile ASMP, le nouveau vecteur va impliquer un changement de mission pour cette escadre un peu spéciale.
Si les escadrons opérationnels bénéficient d’une importante mise à niveau qui va s’étaler sur une décennie, le segment formation initiale n’est pas en reste, avec la modernisation de plusieurs Groupes Ecoles de l’Armée de l’Air. A l’école de pilotage de Cognac, GE 315, les TB-30 Epsilon ont supplanté les derniers Fouga.
Les T-33, qui avaient fait les beaux jours de l’Ecole de Chasse depuis Meknès, ont laissé la place aux rutilants Alphajet, un autre programme bi-national, cette fois mis en oeuvre par Dassault-Dornier.
L’Armée de l’Air bénéficie d’une très grosse commande de « Gadjets », 176 exemplaires. Les Alphajet ont également remplacé les vénérables Mystère IVA dans les deux escadrons de transition opérationnelle de la BA 120 de Cazaux, à la Huit.
Une autre remise à niveau plus que nécessaire a déjà été effectuée, les antiques Dassault Flamant du GE 319 d’Avord ayant laissé la place à un bimoteur brésilien, l’Embraer 121 Xingu. Pas de nostalgie excessive pour les apprentis transporteurs.
Du côté des hélicoptéristes, les escadrons de la 67ème escadre commencent à recevoir les AS-355F Ecureuil en attendant les Fennec bi-moteurs. Le Centre d’Instructions des Equipages d’Hélicoptères quitte sa base de Chambéry pour rejoindre les transporteurs sur la BA 101 de Francazal.
On voit donc que dans un cadre stratégique stable, l’Armée de l’Air n’a pas changé de structure et a concentré ses efforts sur un renouvellement des aéronefs vieillissants, profitant de crédits revenus à un niveau haut. Cette modernisation a également profité aux infrastructures (bases aériennes) et aux systèmes de défense aérienne.
Pour ce qui est des opérations réelles, avec le trio d’avions ravitaillables Jaguar/F-1C/Transall NG (ce dernier étant également ravitailleur), l’Armée de l’Air maîtrise totalement son sujet en Afrique. Les vélléités expansionistes de certains leaders régionaux sont contenues, au moins dans la sphère d’influence française.
Toutefois dans le contexte Centre-Europe, la flotte importante de la FATAC comprend encore cinq unités de Mirage de première génération (en excluant la 4) et leur remplacement nombre pour nombre par un avion moderne demande des ressources importantes.
Les tergiversations passées (à tous les niveaux) autour de l’Avion de Combat Futur ont ouvert un boulevard aux concurrents de Dassault sur le marché export. Par conséquent, les développements du tout-nouveau Mirage 2000 sont en grande partie financés par la France, et leurs coûts seront répercutés sur les appareils commandés par l’Armée de l’Air.
Le CoTAM va combler ses besoins pour un avion un peu plus lourd et un peu plus « long » que le Transall en recevant les Lockheed C-130H souhaités depuis longtemps. Et l’industrie américaine sera également bientôt mise à contribution pour les AWACS.
Avec une trajectoire budgétaire descendante et des matériels coûteux mais indispensables en voie d’acquisition, les états-majors craignent de ne plus pouvoir procéder à un renouvellement de la flotte sur une base de « un pour un », dans le futur.
Pour la première fois depuis 1966, l’Armée de l’Air procède à la fermeture d’une grande unité, la 10è Escadre de Chasse, et à la mise en sommeil d’une base aérienne. Des événements extérieurs vont ensuite changer la donne, mais une toute autre échelle.
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Escadron | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
EB 1/91 Gascogne | SAL28 SPA79 | Mirage IVA | Mont-de-Marsan (18) |
EB 2/91 Bretagne | Nantes Rennes | = | Cazaux (19) |
EB 1/94 Guyenne | BR66 BR129 | = | Avord (20) |
EB 2/94 Marne | VB107 BR126 | Mirage IVA | St-Dizier (21) |
Escadron | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
ERV 1/93 Aunis | SAL277 SAL10 | C-135F | Istres |
ERV 2/93 Sologne | BR44 F465 | C-135F | Avord |
ERV 3/93 Landes | SPA Bi54 SAL22 | C-135F | Mont-de-Marsan |
Escadron | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
EC 1/2 Cigognes | SPA3 SPA103 | Mirage 2000B/C | Dijon |
EC 2/2 Côte d’Or | SPA65 SPA67 | Mirage IIIB/BE/R | = |
EC 3/2 Alsace | Strasbourg Mulhouse | Mirage 2000C | = (1) |
EC 1/3 Navarre | SPA95 SPA153 | Mirage IIIE | Ochey |
EC 2/3 Champagne | SPA67 SPA75 | = | = |
EC 3/3 Ardennes | 1.GCIII/3 2.GCIII/3 | Jaguar A/E | = (2) |
EC 1/4 Dauphiné | SPA37 SPA81 | Mirage IIIE | Luxeuil |
EC 2/4 La Fayette | N124 SPA167 | = | = |
EC 1/5 Vendée | SPA26 SPA124 | Mirage F-1C | Orange |
EC 2/5 Ile-de-France | Paris Versailles | = | = |
EC 3/5 Comtat-Venaissin | ERC571 SPA171 | Mirage F-1B/C | = |
EC 1/7 Provence | SPA15 SPA77 | Jaguar A | Saint-Dizier |
EC 2/7 Argonne | SPA31 SPA48 | Jaguar E/A | = |
EC 3/7 Languedoc | 3C1 SPA38 | Jaguar A | = |
EC 4/7 Limousin | 1.GC I/9 2.GC I/9 | Jaguar A | Istres |
EC 1/8 Saintonge | 3C2 4C1 | Alphajet | Cazaux |
EC 2/8 Nice | SPA73 SPA78 | = | Cazaux |
EC 1/10 Valois | SPA84 SPA93 | Mirage F-1C | Creil (3) |
EC 2/10 Seine | Cercle de Chasse de Paris | Mirage IIIC | = (4) |
EC 3/10 Vexin | ERC III/561 ERC IV/561 | Mirage IIIC | Djibouti |
EC 1/11 Roussillon | 1.III/6 2.III/6 | Jaguar A | Toul-Rosières |
EC 2/11 Vosges | SPA91 SPA97 | = | = |
EC 3/11 Corse | SPA SPA | = | = |
EC 4/11 Jura | SPA158 SPA161 | Jaguar A/E | Mérignac |
EC 1/12 Cambrésis | SPA162 SPA89 | Mirage F-1C | Cambrai |
EC 2/12 Picardie | SPA173 SPA172 | = | = |
EC 3/12 Cornouailles | Scorpion Dogue | = | = |
EC 1/13 Artois | SPA83 SPA100 | Mirage IIIE | Meyenheim |
EC 2/13 Alpes | 1.EC 2/13 2.EC 2/13 | Mirage VF | = |
EC 3/13 Auvergne | SPA85 4.GCII/9 | Mirage VF | = |
EC 2/30 | Rouen Le Havre | Mirage F-1C | Reims |
EC 3/30 Lorraine | Metz Nancy | Mirage F-1C | Reims |
Groupe | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
ER 1/33 Belfort | SAL33 | Mirage IIIR | Entzheim (5) |
ER 2/33 Savoie | SAL6 | Mirage F-1CR | = |
ER 3/33 Moselle | BR11 | Mirage IIIR/RD | = |
Escadron | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
ET 1/61 Touraine | VB101 VB113 | Transall C-160F | Orléans-Bricy |
ET 2/61 Franche-Comté | SAL19 BR104 | = | = (6) |
ET 3/61 Poitou | 1.IV/15 2.IV/15 | = | = |
ET 2/63 Vercors | SPA Bi55 SAL8 | Noratlas | Francazal (22) |
ET 1/64 Béarn | SAL14 SAL18 | Transall C-160NG | Evreux |
ET 2/64 Anjou | BR131 BR132 | = | Evreux |
GLAM I/60 | GLAM | Mystère 20 | Villacoublay |
ET 3/60 Estérel | GAEL | DC-8 | Villacoublay |
ET 1/65 Vendôme | GAEL | Nord 262 | Villacoublay |
ET 2/65 Rambouillet | MS.760, Broussard | Villacoublay | |
ETE 41 Verdun | Verdun | Broussard, Paris, N.262 | Metz (7) |
ETE 43 Médoc | ELA43 | Xingu | Mérignac |
ETE 44 Mistral | ELA44 | Broussard, Xingu, N.262 | Aix-Les Milles |
EE 51 Aubrac | une Sarigue | DC-8 Sarigue | Evreux |
Escadrille EE 53 | ? | Puma HET | Goslar/Metz (8) |
EE 54 Dunkerque | MF20 | Noratlas | Metz |
GAM 56 Vaucluse | ELA56 | Puma, DHC-6 | Evreux |
EC 57 Commercy | Mystère 20 | Villacoublay | |
EC 70 | N.262 | Chateaudun |
Unité | Traditions | Type(s) | Base |
---|---|---|---|
EH 1/67 Pyrénées | SAL 17 | Puma, Alouette III | Cazaux |
EH 2/67 Valmy | 23e EH | Alouette III | Metz (9) |
EH 3/67 Parisis | SPA 99 | Ecureuil, Alouette III | Villacoublay |
EH 4/67 Durance | 22è EH | Alouette II, Puma | Apt (10) |
EH 5/67 Alpilles | Alouette II et III, Puma | Aix-Les Milles |
Unité | Traditions | Type(s) | Base |
---|---|---|---|
ETS 1/44 | Solenzara | Broussard, Puma | Solenzara |
ETOM 50 | Réunion | Puma | Saint-Denis |
ETOM 52 | La Tontouta | Alouette III, DHC-6, C-160F | La Tontouta |
ETOM 55 | Ouessant | Puma, Alouette III, C-160F | Dakar |
ETOM 58 | Guadeloupe | Puma | Pointe-à-Pitre |
ETOM 82 | Maine | SE.210, DHC-6, Super Puma, Alouette III | Tahiti |
ETOM 88 | Broussard, Alouette III, C-160F | Djibouti (11) |
Entité | Aéronef(s) | Base |
---|---|---|
Ecole de Formation Initiale 307 | CAP 10 | Avord (12) |
Ecole de l’Air G.I.V. 312 | Fouga Magister | Salon |
Ecole de formation des Moniteurs 1/313 | Fouga | (13) |
Ecole de Chasse « Christian Martell » | Alphajet | Tours (14) |
Ecole de Pilotage G.E. 315 | Fouga Magister | Cognac (15) |
Ecole de Navigation G.E. 316 | Noratlas, D.140 | Francazal (16) |
Ecole d’aviation de Transport G.E. 319 | Embraer Xingu | Avord |
Escadron d’Instruction 1/63 | Nord 262, C-160 | Francazal |
C.I.F.A.S. 328 | Mirage IVA, Fouga, Noratlas | Mérignac (17) |
C.P.I.R. 339 | Mystère 20 SNA | Luxeuil |
C.E.A.M. | variés | Mont-de-Marsan |
Ecole des mécaniciens | variés | Rochefort |
Notes:
(1) Transformé sur 2000 à partir de mars 1985
(2) Se transformera sur IIIE en 1987
(3) Le 1/10 est dissous le 1er avril 1985; le 1/30 Valois est créé
(4) Le 2/10 est dissous le 1er avril 1985
(5) Transformation sur F-1CR en cours en 1985
(6) Vole sur C-160F jusqu’à la fin de 1987
(7) Inclut 4 Fouga Magister codés en « 128 »
(8) Officiellement créée le 01/09/86, l’escadrille électronique 53 et son unique Puma HET (n°1595) rejoint en fait la 54è Escadre de Metz le 03/09/85. Le 1er janvier 1988, l’escadrille devient EE 21.054. Dissoute le 1er décembre 1993.
(9) Date de retrait des Alouette II ?
(10) Un Broussard a été utilisé … date ?
(11) Retrait de l’Alouette II ?
(12) Redevient EFIPN 307 (et non plus 313) en 1985 et rejoint Avord
(13) Suite à la fermeture de la base d’Aulnat, rejoint Cognac le 1er mai 1985
(14) Compte 5 E.I.V.
(15) Compte 4 E.I.V. sur Epsilon fin-1985, et l’Escadron de Formation des Moniteurs et de Standardisation, sur Fouga et Epsilon, arrivant d’Aulnat
(16) Les Noratlas cèdent la place aux Nord 262 en 1986
(17) Comprend l’ERI (Escadron de reconnaissance et d’instruction) 1/328 sur Mirage IVA, l’EE 2/328 sur Mirage IIIB2, et l’ETI (T pour Transport) 3/328 sur Nord 2501 et Fouga. Sera réorganisé en 1986.
(18) Opérationnel sur Mirage IVP le 1er mai 1986
(19) Opérationnel sur Mirage IVP le 1er décembre 1986
(20) Sera dissous le 28 novembre 1986
(21) Sera dissous le 1er juillet 1988
(22) Dissous le 1er octobre 1986
A suivre: 1995 …
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Livres de référence:
L’Histoire de l’Armée de l’Air. P. Facon, 2009. La documentation française, 558pp.
La Force Aérienne tactique 1965-1994. C. Nachbauer & D. Vivier, 1998. Association Point Fixe, 400pp.
Les insignes de l’Armée de l’Air – des unités navigantes. Présenté par Air Actualités, 1983. Armée de l’Air/BCRE/Air Actualités, 151 pp.
Site de référence: Traditions de l’Armée de l’Air