La seconde décennie du nouveau siècle a débuté avec un renforcement de la tendance géo-stratégique observée au début des années 2000: celle du ‘choc des civilisations’. L’intervention de la coalition formée autour des USA pour renverser le dictateur irakien a produit des effets délétères dans tout le Moyen-Orient. Les moyens militaires engagés en Afghanistan (avec la participation de la France) pourraient ne pas produire d’effet bénéfique durable.
Les peuples du Maghreb contestent les régimes autocratiques qui les gouvernent depuis 30 ans, ce qui provoque une instabilité généralisée à l’exception du Maroc et de l’Algérie. Avec l’aval du Conseil de Sécurité de l’ONU, la France et la Grande-Bretagne ont emmené une coalition visant à instaurer une zone d’exclusion aérienne pour protéger des mouvements de contestation dans l’est de la Libye. Ce fut l’opération Harmattan de 2011; l’Armée de l’Air y joua un grand rôle. Cependant, les opérations militaires aboutirent à la décapitation de l’Etat lybien, et in fine à l’anarchie dans ce pays.
La déstabilisation libyenne contribua à alimenter des mouvements terroristes de grande ampleur en Afrique sub-saharienne. La France fut amenée à intervenir au Mali, ce fut l’opération Serval de 2013, puis dans toute la région, avec l’aide logistique de quelques pays européens, des Etats-Unis, et assistée par un allié régional puissant, le Tchad. L’Armée de l’Air joua à nouveau un grand rôle dans les succès remportés sur le terrain (aux côtés de l’Armée de Terre, bien évidemment).
C’est encore l’Armée de l’Air qui fut placée en alerte en 2013 lorsqu’une action de bombardement fut envisagée à la suite de l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien, dans ses tentatives de répression d’une insurrection qui se développe. En prime, le retrait prématuré des Etats-Unis en Irak laissa la place à une guerre civile sanglante qui menace d’emporter toute la région. Des moyens aériens supplémentaires significatifs ont donc été engagés par la France au Moyen-Orient dès la fin 2014.
En 2014 toujours, de graves troubles ethno-religieux atteignirent la Centrafrique, suscitant encore une fois une intervention française, dans laquelle l’Armée de l’Air investit des moyens logistiques, avec en plus des raids ponctuels d’avions positionnés au Tchad. C’est l’opération Sangaris. Cette suite de crises significatives vient bousculer les prévisions élaborées par les experts du Livre Blanc. Et c’est sans compter le clignotant rouge qui s’allume en Ukraine, toujours en 2014.
Alors que l’utilisation réelle de la force aérienne est devenue permanente, il se passe un phénomène paradoxal et inquiétant au niveau des effectifs et des matériels disponibles: entre le quinquennat Sarkozy et le quinquennat Hollande, le potentiel quantitatif de l’Armée de l’Air continue à diminuer fortement, surtout en ce qui concerne l’aviation de combat (chute de près de 50%).
La mise en service d’à peu près 80 Rafale suffit-elle à compenser qualitativement la disparition de 8 escadrons de combat de 2007 à 2014 ? Sur le papier des comptables, peut-être … mais en réalité, le déroulement de l’opération Harmattan suggérerait que les moyens humains et logistiques sont à peine suffisants pour assurer les opérations extérieures prolongées d’une trentaine de chasseurs-bombardiers, en même temps que l’entraînement opérationnel des unités et les missions de souveraineté nationale (défense du territoire, dissuasion).
Les moyens logistiques incluent la flotte de transport: l’introduction en service de l’A400 vient juste à temps pour commencer à compenser la déflation rapide et importante du parc Transall. Au début de 2015, la flotte de C-160 compte 22 avions de transport, une proportion significative d’entre eux étant en entretien. La flotte de 14 C-130 ne semble pas bénéficier d’une disponibilité très élevée. Si le potentiel de transport stratégique est en voie de se reconstituer grâce à l’Atlas, les transporteurs tactiques continuent donc à être sous tension.
Les moyens attribués aux forces aériennes n’ont par contre pas permis de renouveler le parc de ravitailleurs, la flotte de Boeing restant sans doute la composante la plus critique de l’Armée de l’Air. Toutefois, les annonces ont fait état d’une commande et de la mise en service au ‘Bretagne’ de deux appareils A330MRTT au terme de l’actuelle LPM (2014-2019).
En parallèle à cette déflation historique des effectifs et des matériels de l’Armée de l’Air, l’Etat-Major a activé une réorganisation des traditions des unités avec le réveil des escadrilles constitutives des escadrons dissous précédemment, et leur attribution aux unités d’instruction, ainsi qu’aux escadrons opérationnels toujours actifs. Cette décision a été particulièrement remarquée en ce qui concerne les unités Forces Aériennes Françaises Libres, lesquelles ont abandonné leurs escadrilles portant des noms de ville, pour des escadrilles héritières de la Grande Guerre.
Une autre révolution est intervenue durant la dernière décennie, en regard de la diminution des budgets, il s’agit de l’externalisation des flottes d’entraînement (Grob, Cirrus) ou de leur maintenance (Xingu). Il paraît que ce genre de formule satisfait les uns et les autres. Un des enjeux de la décennie à venir semble être l’externalisation d’une proportion de la flotte de transport, d’hélicoptères légers, voire de ravitailleurs.
Enfin, au terme d’une décennie ‘sans escadre’ qui a vu les escadrons de combat perdre la main sur l’entretien des aéronefs, au profit des Escadrons de Soutien Technique Aéronautique, on assiste à la réapparition des escadres, grandes unités garantes de la marche opérationnelle de l’aviation militaire. Après la 3e Escadre de Chasse, la 36e Escadre de Commandement et de Conduite Aéroportés, la 31e Escadre Aérienne de Ravitaillement et Transport Stratégique,…, nul doute que l’année 2015 va voir refleurir d’autres escadres de transport, de bombardement et de chasse. Reste à savoir si ces nouvelles unités seront constituées autour des missions, ou des bases aériennes.
Constatant les restrictions voulues par les gouvernements en matière militaire, des choix incohérents avec les engagements extérieurs répétés décidés par les mêmes dirigeants, les chefs des armées ont récemment exprimé que les limites infranchissables ont été atteintes en terme de potentiel utilisable. Après avoir éliminé le gras, puis entamé le muscle, les prochaines restrictions budgétaires conduiraient à amputer des membres. Donc à faire des choix significatifs de baisse du niveau des opérations extérieures, ou douloureux pour ce qui est de la posture stratégique nationale.
La décennie entamée va voir s’éclaircir l’horizon stratégique, sans pour autant qu’il s’embellisse: la Chine, par exemple, commence à avoir des visions géo-stratégiques qui ne sont pas sans rappeler certaine ‘sphère de co-prospérité’, et possède maintenant des moyens militaires susceptibles d’impulser ses visions. La France aura-t-elle l’ambition, le jour venu, d’être présente sur des zones lointaines? Avec quels moyens aériens ?
Les forces armées françaises, avec l’Armée de l’Air, ont résolument tourné le dos à un format adapté à une confrontation ‘Etat contre Etat’. En conformité avec le Livre Blanc, elles visent une ‘entrée en premier dans un conflit majeur, au sein ou à la tête d’une coalition’ (LPM 2014-2019). Le format retenu par les experts est la projection durable de 15 000 militaires, et l’engagement de 45 avions de chasse dans la durée (on reste sur un format ‘Desert Storm’). C’est ce contrat opérationnel, assorti des missions permanentes de souveraineté, qui est placé sur le bureau des chefs d’état-major, y compris sur celui du CEMAA.
En regard de ce ‘contrat’, environ 55 000 aviateurs et une flotte comprenant:
– 19 unités d’instruction, de transition et de transformation opérationnelle,
– 6 escadrons de transport outremer, assurant les missions de souveraineté et de service public,
– 4 escadrons d’hélicoptères légers et moyens,
– 7 unités diverses affectées à des missions allant du renseignement à la représentation,
– 4 escadrons voués au transport de personnes,
– 7 escadrons de transport à vocation tactique,
– 1 escadron de reconnaissance équipé de drones,
– 6 escadrons de chasse, dont 2 sont positionnés sur des bases étrangères,
– 1 groupe de ravitaillement en vol et transport stratégique,
– 3 escadrons de chasseurs-bombardiers conventionnels,
– 2 escadrons à vocation de bombardement stratégique.
Ce format déjà minimal pourra-t-il être conservé ?
Escadron | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
EC 2/4 La Fayette | N124 SPA167 SPA160 SPA96 | Mirage 2000N | Istres |
ERS 1/91 Gascogne | SAL28 SPA79 BR66 SPA37 | Rafale B | St-Dizier |
EC 1/3 Navarre | SPA95 SPA153 SPA62 | Mirage 2000D | Ochey (1) |
EC 2/3 Champagne | SPA67 SPA75 SPA102 | = | = |
EC 3/3 Ardennes | 1.GCIII/3 2.GCIII/3 BR44 | = | = |
Escadron | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
GRV 2/91 Bretagne | BR108, VB25, BR129, SAL22 | C-135FR, KC-135R | Istres (2) |
Escadron | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
EC 1/2 Cigognes | SPA3 SPA103 SPA26 | Mirage 2000-5F | Luxeuil |
EC 2/5 Ile-de-France | C46 SPA84 SPA124 | 2000B/C | Orange |
EC 1/7 Provence | SPA15 SPA77 SPA162 | Rafale C/B | Saint-Dizier |
EC 2/30 N.-Niémen | SPA93 SPA97 SPA91 | Rafale C/B | Mont-de-Marsan |
EC 3/30 Lorraine | SPA38 SAL56 | Rafale C/B | Al Dhafra (3) |
EC 3/11 Corse | SPA88 SPA69 | Mirage 2000D/-5F | Djibouti |
Groupe | Traditions | Aéronefs | Base |
---|---|---|---|
ED 1/33 Belfort | SAL33 BR244 | Harfang, Reaper | Cognac (4) |
Escadron | Traditions | Avion(s) | Base |
---|---|---|---|
ET 1/61 Touraine | VB101 VB113 (ELA53) | Airbus A400M | Orléans-Bricy (5) |
ET 2/61 Franche-Comté | SAL19 BR104 (BR111) | Lockheed C-130H | = |
ET 3/61 Poitou | F118 F119 F121 | C-160R, C-130H, DHC-6 | = (6) |
ET 1/62 Vercors | SPA Bi55 SAL8 (SPA Bi2) | CN-235 | Creil (7) |
ET 3/62 Ventoux | SAL105 VR551 | CN-235 | = |
ET 1/64 Béarn | SAL14 SAL18 | Transall C-160NG | Evreux (8) |
ET 2/64 Anjou | BR131 BR132 | = | Evreux |
ET 3/60 Estérel | BR227 BR224 (F110) | A310, A340 | Creil (9) |
ET 60 | ET 2/63 GLAM GAEL ELA52 BR226 | TBM, Mystère 20, Falcon 50, Falcon 900, Super Puma, A319CJ | Villacoublay (10) |
ET 41 Verdun | Verdun | Fennec | Longvic (11) |
ET 43 Médoc | ELA43 (ELA44) | Fennec, TBM | Mérignac (12) |
EDCA 36 Berry | SAL58 BR43 SAL253 SAL257 | E-3F | Avord (13) |
EEA 54 Dunkerque | BR228 SAL1 | C-160G | Evreux (14) |
GAM 56 Vaucluse | ELA56 | Cougar, DHC-6 | Evreux |
EC 70 Châteaudun | TBM | Châteaudun (15) | |
ECE 5/330 Côte d’Argent | BR127 BR128 | avions de chasse | Mont-de-Marsan |
EE 2/2 Côte d’Or | SPA65 SPA57 | Alphajet | Cazaux (16) |
EVAA/EPAA | Alphajet, Extra 330 | Salon |
Unité | Traditions | Type(s) | Base |
---|---|---|---|
EH 1/67 Pyrénées | SAL 17 EHM2/65 EH2/67 VR571 | Puma, Caracal | Cazaux (17) |
EH 3/67 Parisis | SPA 99 | Fennec | Villacoublay |
EH 5/67 Alpilles | EH4/67 VB135 (BR279) | Fennec | Orange (18) |
EH 1/44 Solenzara | ELAS 44 (ERS99) | Super Puma | Solenzara (19) |
Unité | Traditions | Type(s) | Base |
---|---|---|---|
ET 50 Réunion | ? | C-160 | Saint-Denis (20) |
ET 52 La Tontouta | EROM80 BR107 | Puma, Fennec, CN-235 | La Tontouta |
ET 55 Ouessant | ? | Fennec | Libreville |
ET 58 Antilles-Guyane | ETOM58 SPA152 | CN-235, Puma, Fennec | Rochambeau (21) |
ET 82 Maine | BR237 BR216 | CN-235, Fennec | Tahiti Faa’a |
ET 88 Larzac | BR117 BR120 | Puma, C-160 | Djibouti |
Unité | Traditions | Type(s) | Base |
---|---|---|---|
EIA 5/312 | planeurs, D-140 | Salon (22) | |
EIV 2/93 Cévennes | VB109 VB125 | Cirrus SR-20/22 | Salon |
EIV 3/5 Comtat-Venaissin | ERC571 SPA171 | = | = |
EFNC 1/93 Aunis | SAL277 SAL10 ? | Cirrus SR-22 | = (23) |
EPAA EIV 1/13 Artois | SPA83 SPA100 SPA155 | Grob 120/Epsilon | Cognac |
EPAA EIV 2/12 Picardie | SPA172 SPA173 EALA9/72 | Grob 120/Epsilon | = |
EPAA EFIP 1/11 Roussillon | 5.GCIII/6 6.GCIII/6 | Grob 120/Epsilon | = (24) |
EAC EIV 3/13 Auvergne | SPA85 2.GCII/9 | Alphajet | Tours |
EAC EIV 4/7 Limousin | 1.GCI/9 2.GCI/9 | Alphajet | = |
EAC StanEval 4/11 Jura | SPA158 | Alphajet | = |
EAT EIV Fourchambault | Embraer Xingu | Avord (25) | |
ETO 1/8 Saintonge | 6C1 3C2 | Alphajet | Cazaux (26) |
ETO 2/8 Nice | SPA73 SPA78 | Alphajet | Cazaux |
Centre d’Instruction CIET 340 | dans les escadrons | Orléans (27) | |
Centre d’Instruction CIEH 341 | BR279 | Fennec | Orange (28) |
ET 2000D 2/7 Argonne | SPA31 SPA48 | Mirage 2000D | Ochey (29) |
ET Rafale 2/92 Aquitaine | 4B3 2.GBI/25 | Rafale B/C/M | St-Dizier |
C. de Formation des Ravitailleurs | SAL22 | KC-135R/C-135FR | Istres (30) |
C. de F. des Equipages de 2000N | Mirage 2000N | Istres (31) |
Notes:
(1) Les trois escadrons ainsi que l’ESTA et le 2/7 font partie de la 3e Escadre de Chasse.
(2) La 31e escadre aérienne de ravitaillement et transport stratégique est créée le 27/08/14.
(3) Cet escadron comprend 6 Rafale C et B, en temps normal.
(4) Le 1/33 arme 4 Harfang et deux Reaper, la dotation passant à 5 Reaper en 2015.
(5) Pour les escadrons de transport qui accueille une activité du CIET 340, l’inclusion de la 3e escadrille au sein des ET ne semble pas avérée.
(6) Une escadrille par type d’appareil utilisé, la F121 pour les Twin Otter.
(7) les deux escadrons feront mouvement vers Evreux en 2015.
(8) Un total de 22 Transall C-160R, dont 4 de 1ère génération.
(9) Les avions sont basés à Roissy.
(10) Une escadrille pour chaque famille d’aéronefs.
(11) Mouvement en 2015 suite à la fermeture de Longvic ?
(12) L’escadrille ELA44 serait attribuée à l’EIA TBM.
(13) L’escadron ‘Berry’ fait partie de la 36e escadre de commandement et de conduite aéroportés créée le 03/09/14.
(14) L’escadron électronique aéroporté comprend la BR228 pour les navigants, la SAL1 pour le renseignement.
(15) EC pour escadron de convoyage.
(16) Le 2/2 fait mouvement vers Cazaux le 27/06/14.
(17) La SAL17 est réservée à l’escadron, VR571 pour l’ETO HM.
(18) L’escadrille BR279 est pour l’ETO Fennec.
(19) L’escadrille ERSA 999 est pour l’ETO Super Puma.
(20) Deux Transall détachés début-janvier 2015.
(21) L’ ETOM58 pour les voilures fixes, la SPA152 pour les voilures tournantes.
(22) Escadrille d’Initiation Aéronautique, ex-Centre d’initiation au vol militaire.
(23) Escadron de Formation des Navigateurs de Combat.
(24) Escadron de Formation des Instructeurs Pilotes.
(25) L’EIV de l’EAT ‘Capitaine Dartigues’ est le seul escadron sans escadrilles de tradition.
(26) ETO = escadron de transition opérationnelle.
(27) Les avions sont dans les escadrons opérationnels, avec des escadrilles attitrées pour les EIE.
(28) Le CIEH 341 vole sur les Fennec du 5/67 Alpilles.
(29) Escadron de transformation opérationnelle.
(30) Unité dépendante du 2/91 Bretagne.
(31) Unité dépendante du 2/4 Lafayette.
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Merci à Jean-Pierre et à Clément pour leurs belles photos.
Site de référence: Traditions de l’Armée de l’Air