Surtout connue pour avoir employé le Mirage IIIE dans la mission d’assaut nucléaire, avec l’AN 52 opérationnelle à partir de 1973, la Quatre vola sur IIIE de 1967 à 1988, année de transformation sur 2000N.
Le 2/4 La Fayette est le premier escadron de la 4ème escadre de chasse à passer de F-84F sur Mirage IIIE : en avril 1966, c’est le début de formation pour les pilotes et les mécaniciens. En septembre, 25 pilotes sont lâchés et le 13 octobre 66, 5 avions arrivent de Lahr. De son côté, le Dauphiné débute sa transfo dès octobre, mais beaucoup des 15 avions livrés à Luxeuil d’avions sont indisponibles. En décembre 66, on voit sur la BA 116 le premier Mirage avec l’indicatif du 1/4. Au mois de mars 1967, il y a 18 Mirage : les escadrons s’entraînent surtout à l’interception si bien que dès le mois de mai, la Quatre effectue sa première prise de PO, en alerte à 5 min. Mais au mois de juin, le premier pilote est tué dans un accident. En septembre 67, l’escadre est dotée de ses 30 avions.
Dès la fin 1967, la Quatre touche ses premiers avions camouflés. La première campagne de tir air-air du 2/4 est effectuée à Cazaux L’entraînement à la nav BA vient s’additionner aux missions de défense aérienne, et aux séances de tir air-sol réalisées à Suippes. En mars 1968, un pilote tire le premier Matra R-530 de la 4 à Cazaux. En même temps, les traditionnels échanges d’escadrons commencent, avec la 31ème escadrille de Kleine Brögel, ainsi que la participation à des grands exercices inter-alliés, comme avec le déploiement de six avions à Solenzara pour « La Fayette » avec la VIème Flotte.
La fin des années 60 et le début des 70 voient toujours une mission principale de défense aérienne. Une pénurie temporaire de IIIE disponibles amène la FATac à mettre 4 Mirage IIIR à la disposition de la Quatre au premier semestre 1969. Progressivement, les IIIE les plus anciens sont dirigés vers Dijon, si bien qu’à la fin de l’année 1969, Luxeuil a en dotation 33 avions avec des numéros supérieurs à 500.
Les F-104 sont nombreux à venir en échange à Luxeuil, comme ceux du 726ème d’Aalborg ou du JaBo 34 de Memmingen. D’ailleurs ces derniers sont présents sur la base en mars 70 en même temps que 8 Mirage IIIE espagnols, déployés pour la transfo des pilotes ibériques. Durant ces années, Lure est le terrain de dégagement de la Quatre en cas d’exercice ou d’alerte, et périodiquement un des deux escadrons s’y déploient.
Parmi les autres activités, la coupe Comète est à cette époque une des plus prisées : elle réunit à Cazaux tous les escadrons de chasse pour différentes épreuves air-sol et air-air. Le La Fayette la remporte en juin 70. Les campagnes de tir annuelles à Cazaux ou à Zara concernent chaque escadron.
Dès cette époque certains entraînements air-sol préfigurent la future mission principale de l’escadre, avec des bombes d’exercice freinées par parachute.
Le vol en patrouille est toujours responsable d’une bonne proportion des accidents, parfois fatals. En 1971, un cas unique marque les esprits, celui de la collision entre deux IIIE, un de la 4 et un de la 13, qui attaquent le même objectif au même moment (malheureusement, le pilote de la 4 décède dans la collision). Cet accident fait suite à un autre accrochage, avec un avion de la 3, intervenu plus tôt dans l’année. Pour ce qui est de la basse altitude, la collision avec des volatiles est également une cause courante d’accidents plus ou moins graves (cinq cas en 1971).
L’été 1972 voit le début de la mise en place de la mission AN-52, avec des unités d’instructions spécifiques et un changement important des infrastructures de la base. La mise en service opérationnelle de l’arme nucléaire à la Quatre a lieu en 1973 : les deux escadrons se voient confier la mission principale d’assaut nucléaire et conventionnel ; la mission secondaire demeure le combat air-air, avec Sidewinder.
Pour prouver que cette MSO n’a rien de fictif, plusieurs pilotes exécutent une mission de bombardement avec AN-52 simulée de Luxeuil vers Captieux, entièrement en VSV sous capote. Enfin, la réalité de la mission trouve une démonstration « éclatante » avec l’opération Tamara : le déploiement de deux IIIE à Hao (616 et 617, aller et retour par bateau), et le largage d’une AN-52 réelle le 28 août 73.
La 4ème escadre est désormais équipée de plus de trente IIIE parmi les plus récents (entre les n°560 et 622), certains sortis d’usine en 1972. Malgré son implication dans la doctrine nucléaire de la nation, la Quatre continue à exercer sa mission air-air : les exercices « Crak Force » pour lesquels les avions sont armés en 500 l et AIM-9B, laissent ainsi la place aux exercices « Punch ». Punch voit Luxeuil effectuer une montée en puissance du dispositif nucléaire, et des raids de 8 ou 10 avions sont lancés en conditions réelles simulées, de jour et de nuit, avec largage de bombes d’exercice à Suippes ou Captieux.
Dans le cadre de la mission principale, on assigne aux pilotes des objectifs qu’ils doivent apprendre à attaquer par tous les temps. Pour ce faire, ils se rendent périodiquement dans le « bloc secret » où avec des officiers de renseignement ils répètent la mission. Dans ce local, on trouve des maquettes en plâtre du relief, qui permettent de reconstituer les images radar Doppler du cheminement de navigation BA. Des photographies spéciales du relief miniature constituent le dossier « déplinav » qu’emportent les pilotes lors des entraînements.
Pendant le milieu des années 70, un entraînement air-air assez prisé consiste à aller tirer une cible CT-20 avec un Sidewinder au départ de Luxeuil, avec un atterrissage à Zara à l’issue du tir. Malgré tout, l’usage de bombes classiques n’est pas délaissé : la précision obtenue peut être meilleure que 100 m selon les charges (1000 livres ou 500 livres). La polyvalence du IIIE est poussée à son comble à Luxeuil, la confiance dans l’avion et le système est totale : les mécaniciens SNA parviennent à en tirer le maximum en peaufinant sans arrêt les réglages. Le Mirage est d’une solidité incroyable : parfois un pilote le ramène au terrain après lui avoir fait subir des accélérations plus fortes que +/- 15g.
A la fin des années 70, un nouveau type d’exercices met aux prises les 4 escadrons nuc de la FATac : Jaguar et IIIE s’affrontent lors des coupes « Centaure », avec par exemple 8 pilotes de chaque unité qui réalisent une mission de bombardement vers les polygones de Captieux, de Calamar ou de Suippes. Les exercices Punch se font plus complexes, mettant en jeu par exemple lors d’une attaque en avril 1980 : une patrouille Mirage de la 4, deux avions de la 3, 10 IIIE de la 13 et deux Jaguar brouilleurs de la 11.
Le début des années 80 voient la livraison des hangarettes sur la base de Luxeuil, ce qui change significativement la mise en oeuvre des Mirage. Il y a aussi côté air-air, les campagnes de combat mettant typiquement en face à face un escadron de IIIE et un escadron de Jaguar : des DACT au cours desquels les pilotes explorent les limites des performances du système. Dans les échanges d’escadrons, les F-4 ou Jaguar (JaBo 34, 35, Sqn 54) ont pris la place des 104 et des Lightning.
De 1985 à 1986, la patrouille des Régent Papa anime les terrains d’aviation, comme au Tiger Meet de 1986. Le 4 octobre, on célèbre les 150 000 heures de vol du IIIE à Luxeuil, et les 70 ans du La Fayette. Septembre 1987 voit le début de transformation du 1/4 sur 2000N, suivant de peu l’arrivée de NOSA sur la BA 116, ainsi d’ailleurs que d’un Mirage IIIBE affecté temporairement à l’escadre.
La fin des vols du Dauphiné sur IIIE a lieu le 27 août 87 : certains des avions sont versés au 2/4 qui voit sa dotation monter à 20 Mirage en fin d’année. Le 1/4 est déclaré opérationnel sur 2000N en juin 1988, alors que le 2/4 dispute sa dernière coupe Comète. En août et septembre, le La Fayette se transforme sur 2000N et la déflation du parc IIIE s’accentue : en octobre et novembre, 6 avions demeurent à Luxeuil.
Le 28 novembre 88, le 577 est le dernier Mirage III de la Quatre à rejoindre Châteaudun : un très important chapitre de la vie de l’escadre vient de se refermer. Au cours des 22 années sur IIIE, 22 avions auront été perdus et 164 000 heures de vol (environ) auront été effectuées. Avec le Mirage 2000N, les deux escadrons de la Quatre vont abandonner leur mission secondaire air-air pour se consacrer exclusivement au pré-stratégique et à l’assaut.
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Référence: Le Mirage IIIE dans l’Armée de l’Air (Chenel, Moreau & Audouin, DTU 2004)