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Noratlas en Escadre

Histoire des « Grises » en France

(1) La famille des Noratlas

Le premier prototype N.2500 n°01 (F-WFKL) a décollé pour la première fois de Brétigny le 10 septembre 1949 équipé de deux moteurs SNECMA 14R-200; il fut suivi, quatorze mois plus tard, par le N.2501 Noratlas n°02 (F-WFUN) équipé de deux Bristol Hercules 759. Trois N.2501 de présérie ont encore été nécessaires au développement du Noratlas (n°03 F-ZBAT, n°04 F-WFRG puis F-BFRG, et le n°05 qui fera une longue carrière au CEAM).

Noratlas 1965 05 à Bron
N.2501 n°05 du CEAM de passage à Lyon (Bron) en décembre 1965 ; il est équipé d’un nez spécial pour l’expérimentation du N2501RNR (Radio Navigation Radar)

Suivent un total de 208 N.2501 pour l’Armée de l’Air, 187 N.2501D (dont les 162 derniers exemplaires construits en Allemagne) pour la Luftwaffe et 6 N.2501IS pour Israël. La version N.2502 était caractérisée par ses deux réacteurs Turboméca Marboré en bout d’aile. Elle fut livrée à deux compagnies civiles: U.A.T. (7 N.2502A) et Air Algérie (3 N.2502B). Le C.E.V. recevra un N.2052C et la force aérienne portugaise 6 N.2502F.

Noratlas 1973 53+21 LTG
Le N.2501D ’53+21′ de la Luftwaffe à Toulouse Francazal en octobre 1973

Les autres versions sont:
– le N.2504 : un seul exemplaire pour la marine qui l’utilisa comme banc d’essais à la flottille 10S,
– le N.2506 (projet N.2501E) version d’assaut sur terrains sommaires ; un seul exemplaire (FWIEX) de démonstration en vue de modifier les N2501 sur la chaîne de production ; il était équipé d’un train capable de « baraquer » (abaisser l’arrière du cargo), de pneus basse pression, de volets modifiés et de deux réacteurs d’appoint en bout d’aile.
– le N.2508 ex- N°04 devenu successivement N.2503 avec deux P&W R-2800 CB17 (deux étages de compression), des hélices tripales, puis N.2508 N°01 (avec turboréacteurs en bout d’aile)

Noratlas 1969 2506-01 118-IA
N.2506 n°01 ‘118-IA’ en fin de carrière à Rochefort en octobre 1969

Plusieurs sous-versions du N.2501 ont été utilisées en France, les principales sont :
– le N.2501 Radio Navigation Radar à nez radar cylindrique : 6 exemplaires pour le GE 316,
– le N.2501 Système de Navigation Bombardement avec carénage latéral et large antenne ventrale circulaire : 5 exemplaires pour le CIFAS 328
– le N.2501 «Gabriel» de guerre électronique avec carénage latéral et plusieurs antennes ventrales : 8 exemplaires pour l’ELA55 puis L’EE54,
– le N.2501 de calibration : 3 exemplaires pour l’escadrille EC57 chargée de la calibration des systèmes de navigation et d’atterrissage.

Noratlas 36 63-VC
Le N.2501 Gabriel n°36 avait subi une modification supplémentaire pour expérimenter les systèmes de guerre électronique «furet» et «belette» de Thomson. Sur cette vue du N°36 prise à Francazal l’appareil était déséquipé (antennes ventrales retirées, seul subsiste l’APU sur le côté droit du fuselage). On remarque de chaque côté du nez des antennes «Rebecca» (système radio embarqué envoyant des impulsions radio à l’installation «Eureka», déployée au sol par les commandos; Eureka une fois ainsi activée, renvoyait des signaux vers l’avion qui pouvait alors s’aligner sur la zone de saut (DZ).

D’autres modifications mineures ou temporaires ont été faites sur des N.2501 en service, telles que PC volant ou version VIP.

(2) Les « Grises » en escadre

De la fin 1953 (arrivée du Nord à l’ET3/61) à la fin 1986 (dissolution de l’ET2/63 Vercors) le N.2501 a servi dans presque toutes les unités de transport de l’Armée de l’Air. Dans cette partie nous ne parlons que des groupes et escadrons des quatre escadres de transport (61 à 64). Pour faire simple les groupes étaient des unités généralement éloignées (outre-mer) et plus ou moins autonomes ; ils étaient rattachés administrativement à une escadre. Les escadrons étaient regroupés sur une même base aérienne sous la coupe de l’escadre, le GERMAS de l’escadre assurait alors le suivi mécanique des avions. Tous ces escadrons et Groupes de transport portaient des noms de provinces ou de régions.

Noratlas 130 61-QE
N.2501 n°130 ’61-QE’ de la 61ème escadre; fin des années 50 sur le parking d’Orléans. Très rapidement les appareils et donc les codes radio furent gérés au niveau de l’escadre ce qui explique que le n°130 porte l’insigne du Franche-Comté mais le code du Poitou (-Qx). Pour la petite histoire le Franche-Comté avait adopté comme cri de ralliement la devise de cette magnifique région : « Comtois, rends-toi ! –Nenni ma foi ! »

La 61ème escadre de transport sous le règne de la « Grise » se composait de trois escadrons: ET 1/61 Touraine, ET 2/61 Franche-Comté et 3/61 Poitou. Depuis 1953, la 61 est inséparable de la base d’Orléans.

Noratlas 1968 205 62-SV
N.2501 n°205 ’62-SW’ du GT 3/62 Sahara dont il porte l’insigne ; il fut livré neuf en décembre 1961 et resta au GT 3/62 jusqu’à sa dissolution en 1964.

La 62ème escadre ne conserva durablement que deux de ses trois escadrons: le 1/62 Vercors (ex-Algérie) et 2/62 Anjou; le 3/62 Sahara dissout à Alger début 1964 rejoindra Pau où il fusionnera avec l’EITA-341 (venu de Toulouse) pour donner l’escadron 2/63 Bigorre d’une 63ème escadre atypique, le 1/63 étant le Bretagne basé à Thiès (jusqu’en 1965, date de sa dissolution). Il faut noter ici la complexité de ces appellations car le 2/63 fut aussi un groupe, le Sénégal qui vola sur Nord 2501 pendant 18 mois à Bordeaux (code 63-Lx).

Noratlas 1973 50 63-BH
N.2501 n°50 ’63-BH’ du Bigorre en février 1973 à Pau. Après le déménagement de l’escadron à Evreux un détachement fut assuré à Pau par la 64ème escadre et c’était le plus souvent le Bigorre qui assurait, nostalgie oblige. La devise du Bigorre s’inspirait d’une publicité de la SABENA, adaptée à l’humour français : « avec la SABENA vous y seriez déjà … avec le Bigorre vous n’y êtes pas encore ! »

La migration du Bigorre se poursuivra avec la fermeture de la base de Pau et le déménagement (été 1972) vers Evreux où le 2/63 devient l’ET 3/64 et rejoindra le 1/64 Béarn (code 64-Ix) il ne cohabitera donc pas avec le GT 2/64 Anjou qui lui aussi voyageait beaucoup avec ses Nord : Indochine (1954-55), Blida où il devient GT 2/62, puis Reims. Et comme il faut bien finir la boucle, l’ET Anjou retrouva son escadre d’origine, la 64, en 1978 lors de la dissolution de la 62.

Noratlas 1968 54 64-IF
N.2501 n°54 ’64-IF’ de l’ ET 1/64 Béarn en mai 1968 sur le parking de  Salon à l’occasion de la journée des lycées. Je ne vous dirai pas la devise du Béarn mais sachez que sa tradition exigeait des nouveaux affectés qu’ils « passent sur la vache »: c’était une cérémonie compliquée qui combinait des boissons alcoolisées et des acrobaties sur une maquette à l’échelle « un » du sympathique ruminant qui orne l’insigne de la confrérie, le nouveau allait alors non pas au Béarn mais « chez les bœufs » et dans le pire des cas « aux bœufs ».

(3) La « Grise » dans les Ecoles et Centres d’Instruction

Les appellations des unités de l’Armée de l’Air ont cela de sympathique, qu’il suffit de suivre l’ordre des chiffres nous allons donc nous concentrer aujourd’hui sur les « 3xx » : GI 312, GE 316, CIFAS 328, sans oublier de mentionner l’EITA 341 et bien sûr le CIET 340.

Pour ne pas fâcher les « sournois » (là je suis obligé par honnêteté de dévoiler le surnom que les stagiaires ont toujours donné – du moins sous le règne de la « Grise » – aux moniteurs, testeurs et autres tourmenteurs de cette institution) … pour ne pas fâcher les sournois, donc, je me dois de commencer par le Centre d’Instruction des Equipages de Transport, CIET 340 de Toulouse, autoproclamé « Université du Transport ». Créé en 1946, il a formé tous les transporteurs sur Beech 45, Junker 52, C-47 et Nord 2501 (à partir de décembre 1954). Bien sûr l’histoire ne s’arrête pas là : il poursuivra sur Transall, Nord 262, etc. Depuis, le CIET a déménagé (pendant l’été 2008) vers Orléans et les Escadrilles d’Instruction des Equipages (EIE) sont aujourd’hui éparpillées à : Evreux (EIE C160), Orléans (EIE C130), Roissy (EIE Airbus), et Villacoublay (EIE TBM700 et Falcon).

Noratlas 1972 340-VL
N.2501 n°105 ‘340-VL’ du CIET en entrainement « formation » (mars 1972). Le n°105 est à présent conservé en état de vol par l’association « le Noratlas de Provence »

Le CIET se rendit célèbre avec la Patrouille Guimauve qui vola une dizaine d’années (de 1960 à 1971), utilisant d’abord quatre Grises puis cinq ou six selon les saisons de présentations (exceptionnellement sept) ; il est à remarquer que pendant toute cette période il n’y eut pas d’accident mortel à la patrouille Guimauve.
Vers la fin 1969 les premiers Transall rejoignent la grosse vingtaine de « Grises  » restantes. Les codes radio passent de 340-Hx en 340-Vx. En juin 1978, lors de la création de la nouvelle 63ème Escadre, le CIET 340 devient l’escadron d’instruction 1/63 (le deuxième étant l’ET2/63 Vercors). Le CIET perdra ses derniers Nord en 1986 à la dissolution de la 63.

N2501 1970 340-HK
N.2501 Noratlas du CIET en 1970

L’EITA 1/119 puis 341 est une Escadrille d’Instruction créée en 1951 à Pau pour former les paras et largueurs des TAP (Troupes Aéroportées) elle échangea ses C-47 pour le N.2501 à partir de 1957. En mars 1964 elle fusionna avec le 3/64 Sahara pour donner l’ET2/63 Bigorre (voir la 2ème partie de cette étude).
Remarque: dans l’ouvrage de Xavier Capy (« Nord 2501 Le Noratlas ») on trouve un gros plan d’un N.2501de l’EITA 341; probablement le N°21 (341-K: le marquage sur les poutres ne comportait que la dernière lettre du code radio).

N2501 1970 316-FM

Le Groupement Ecole GE 316 créé en 1965 à Avord avait déjà déménagé à Francazal lorsqu’en 1968 il reçut son premier Nord 2501RN (classe volante pour les élèves radio-navigants). L’année suivante arrivait son premier « RNR » équipé du nez radar caractéristique. En tout, six N.2501 ont été modifiés en N.2501RNR: les n°114, 171, 189, 193, 194, 196. Le Nord volera au GE 316 jusqu’en 1986.

Noratlas 1976 316-FP
N.2501RNR n°194 ‘316-FP’ Francazal en octobre 1976

Les Force Aériennes Stratégiques étaient un important ‘client’ des escadres de Nord qui assuraient en plus des ‘navettes FAS’ l’alerte « Lucifer ». Les FAS ont ainsi pris goût à la grise dont cinq exemplaires (n°132, 155, 186, 200 et 203) furent modifiés par l’AIA de Clermont en N.2501SNB (Système de Navigation et de Bombardement) et affectés au CIFAS 328 de Bordeaux-Mérignac  pour former les navigateurs de Mirage IVA.
Le Centre d’Instruction au Bombardement (CIB) 328 implanté à Bordeaux depuis 1961 change de nom en 1964 à la création des FAS et reçoit ses premiers ‘SNB’ qui voleront jusqu’en 1985. Quelques Nord cargo étaient également affectés au CIFAS.

Noratlas 328-EP
N.2501 SNB N°203 ‘328-EP’. Le Nord « SNB » se reconnaissait extérieurement par l’antenne circulaire du système de navigation du Mirage IV sous le fuselage et le bossage latéral (côté droit) en goutte d’eau de l’APU (générateur électrique autonome

L’Ecole de l’Air de Salon de Provence a utilisé le N.2501 de 1965 à 1983. L’Escadron de Transport, qui dépendait de la Division des vols du GI 312, a mis en œuvre jusqu’à huit appareils (en 1970); ils étaient utilisés pour l’entrainement parachutiste des élèves, les déplacements des promotions, mais aussi l’accompagnement de la Patrouille de France et, à partir de 1978, l’entrainement et le largage de l’équipe parachutiste des « Phénix ».

Noratlas 312-BI
N.2501 n°94 ‘312-BI’ en formation sur le n°24 ‘BJ’ et n°90 ‘BP’ dans la zone de Salon en juin 1980

(à suivre)

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Référence documentaire: « Nord 2501 Le Noratlas », Xavier Capy, Ed. Escale, 1997.