L’arrivée des Jaguar à la Sept, le 24 mai 1973, vint couronner une longue période d’attente durant laquelle les deux escadrons volaient encore sur le vénérable Mystère IVA, depuis la base de Ochey. Le Jaguar propulsa véritablement la Sept dans une nouvelle ère de l’aviation de combat.
A St-Dizier, le biréacteur prend la mission nucléaire tactique: le 1/7 Provence, puis le 3/7 Languedoc sont opérationnels sur le nouvel avion respectivement en juin 1973 et avril 1974. Leur mission consiste à délivrer par tous les temps l’arme nucléaire tactique AN52, en zone centre-Europe.
Le 2/7 Argonne, escadron de transformation, est créé le 1er mai 1974, pour un premier vol le 1er octobre. Il reprend à son compte la plupart des biplaces de St-Dizier.
Le 4/7 Limousin est recréé sur Jaguar le 1er mai 1980, pour être basé à Istres trois mois plus tard. Il vole sur « Jag » jusqu’au 1er juillet 1989, avant de devenir EC 3/4 sur Mirage 2000N.
Durant cette courte période, le Limousin remporte une fois la coupe Comète, face à tous les escadrons de chasse (en 1982), et trois fois la coupe Centaure (face aux autres escadrons « nuc » de la FATAC).
La 7ème escadre restera liée à sa mission nucléaire pré-stratégique jusqu’au 1er septembre 1991, date à laquelle elle adoptera les mêmes missions que sa consoeur la Onze. Notons que la validité du concept Jaguar-AN52 sera concrétisée le 24 juillet 1974, avec un tir réel au-dessus de l’atoll de Mururoa.
A partir de 1978, les équipes navigantes et techniques de St-Dizier vont renforcer les détachements extérieurs de la Onze.
A partir du début des années 80, on voit régulièrement les avions de la Sept prendre part aux opérations extérieures.
La fermeture des escadrons de la Onze, entre 1994 et 1997, provoque la mutation progressive des missions des escadrons de St-Dizier, ceux-ci reprenant à leur compte la mission Martel, puis la mission de brouillage électronique, puis le tir des armes laser.
Alors que le 2/7 et le 3/7 sont dissous le 8 juin 2001, le 1/7 Provence restera le dernier utilisateur français du Jaguar jusqu’au 6 juillet 2005 (retrait officiel le 1er juillet).
1973 – 2005, 32 années: ce long compagnonnage explique que la base de St-Dizier ait été particulièrement marquée par l’avion franco-britannique.
Alors que le Jaguar fut accueilli avec bonheur sur la BA 113, son arrivée à la Onze ne fut pas marquée par une joie exacerbée: en 1975, les quatre escadrons de la 11ème escadre de chasse volent en effet sur F-100D/F Super Sabre, un avion qui est admiré de tous.
Mais, les mécaniciens apprécient quand même de travailler sur un matériel flambant neuf, conçu pour une maintenance facile, en gants blancs ou presque.
Si les pilotes trouvent le « Jag » trop mou, ils apprécient quand même ses facultés opérationnelles nouvelles, avec une capacité d’emport plus importante et plus variée que le F-100. Les missions de la Onze tournent autour de l’assaut conventionnel, et l’escadre est spécialisée dans les déploiements en Afrique.
C’est le 3/11 Corse qui abandonne le premier ses F-100 en janvier 1975, et qui revient avec ses 4 premiers Jaguar le 13 juin 1975. Dès le mois de décembre, le 3/11 se déploie à Djibouti, auprès de son confrère le 4/11 Jura, montrant bien les capacités nouvelles de l’Armée de l’Air.
Le 1/11 débute sa transformation sur Jag le 10 octobre 1975 pour être opérationnel début 1976. Comme le 3/11, le « Roussillon » sera un habitué des opérations en Afrique, dès 1977. A partir de 1987, l’escadron est qualifié pour le tir des AS-30L, puis bombes guidées laser.
Le 2/11 Vosges réceptionne ses premier Jaguar à Toul le 3 novembre 1976, pour être déclaré opérationnel le 1er juin 1977. A partir du début des années 80, le 2/11 se spécialise dans le brouillage électronique au profit des autres forces offensives, à l’aide de la nacelle CT51.
Le « Vosges » ajoute à sa panoplie la mission anti-radar à partir de 1987, lorsque le 3/3 Ardennes abandonne ses Jaguar.
Dernier escadron de la Onze à délaisser ses F-100, le 4/11 Jura est dissous à Djibouti pour être recréé à Toul le 12 décembre 1978, et basé à Mérignac. Le 4/11 sera dès 1986 le premier escadron français opérationnel avec le binôme Atlis/AS-30L ou BGL.
De l’opération Lamantin à Deliberate Force en passant par Desert Storm, la 11ème escadre de chasse fera parler la poudre à de très nombreuses reprises avec ses Jaguar. La réputation du félin devra beaucoup aux gens de Toul-Rosières, plus exposés aux médias, dans un premier temps, que les escadrons « nuc » de la Sept.
Dernier entré, premier sorti, le 4/11 est dissous le 30 juin 1992 sur la BA 106. Mais les autres escadrons de la Onze ne lui survivront guère: le 1/11 Roussillon est dissous à son tour le 31 juillet 1994, suivi le 31 juillet 1996 par le 2/11 Vosges.
Le 25 juin 1997, c’est enfin le 3/11 Corse qui ferme ses portes, précédant de peu la fermeture de la base aérienne 136, une superbe plate-forme héritée des Américains, et qui durant plus de vingt ans vibra au son du biréacteur franco-anglais.
Alors que le souvenir des opérations en Irak est encore frais, et que l’ex-Yougoslavie absorbe encore une bonne proportion de l’activité opérationnelle française, notamment sur Jaguar, la Onze disparaît des écrans radar.
La présence du Jaguar à Ochey (base distante d’une trentaine de km de la BA 136) fut liée aux tribulations du Mirage VF: en effet, après que le VF eut passé un peu plus de deux années au 3/3, toute la flotte est regroupée à Meyenheim, le 2/13 Alpes devenant le second escadron Mirage V après le 3/13 Auvergne.
C’est donc le 23 juin 1977 que 8 Jaguar rejoignent le parking du 3/3. Au début de 1978, le 3/3 est opérationnel dans sa nouvelle mission: l’attaque des sites radar avec le missile Martel. Ce qui n’empêche pas l’escadron de remporter la coupe Comète en 1980.
La carrière du Jaguar au sein du 3/3 ne dépassera pas une décennie, puisque les Jag quittent la BA 133 le 29 mai 1987. Juste après que le 3/3 Ardennes se soit illustré en réduisant au silence le système radar installé par les Lybiens à Ouadi Doum.
Le remplacement des Jaguar du 3/3 par des Mirage IIIE est un témoignage des surprises que réserve parfois la gestion du parc des avions de combat français.
A l’origine, le CPR (Centre de Prédiction Radar) 339 reçoit les pilotes qui se forment à la navigation basse altitude à l’aide de radar et de systèmes Doppler. Il est équipé de Mystère 20-SNA au nez pointu de Mirage IIIE, puis Mirage 2000.
L’unité basée à Luxeuil a ensuite pour mission la formation des navigateurs de combat sur 2000N. Le CITac 339 emploie le Jaguar de 1988 au 1er juillet 2001: jusqu’à cinq Jaguar E immatriculés en 339-W ont ainsi évolué depuis la BA 116.
Plus de trente années d’opérations, 200 avions et 9 escadrons de combat témoignent de la place à part occupée par le Jaguar dans la mémoire collective de l’aviation française. Le plus beau succès de la coopération aéronautique franco-britannique … si ce n’est le seul ! (Concorde restant quand même un succès technologique sans égal).
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Remerciements: à Jean-François Lipka et Michel Jamar, pour des clichés de grande qualité.
Référence: Jaguar, le félin en action. Alain Vézin, ETAI Editions: 264 pp.