La fin de la guerre en Algérie ne signifie pas que la Neuf en a tout à fait terminé avec l’Afrique du Nord, puisque des détachements se rendent encore à Boufarik et à Oran durant l’année 1963. Cependant, l’Histoire ne fait pas de pause et l’Armée de l’Air est aux premières loges pour l’inauguration de la nouvelle stratégie française: celle qui va voir l’entrée en scène de la force de dissuasion nationale et la sortie du commandement intégré de l’OTAN. La 9ème Escadre de Chasse va subir en contrecoup le changement de format de l’aviation tactique, et … disparaître après un peu plus d’une décennie d’existence. Pourtant, grâce à un entraînement intensif durant ces années agitées, la Neuf s’est hissée au nombre des formations d’élite de l’aviation de combat française.
En 1963, la Neuf demeurait une des trois grandes unités volant sur F-84F, avec la Une (Saint-Dizier) et la Quatre (Bremgarten). A cette époque, la technologie aéronautique avançait au grand galop, et des avions sortis d’usine au début des années 50, comme le F-84F Thunderstreak ou le F-86F Sabre, étaient techniquement dépassés, mais conservaient une bonne valeur opérationnelle. Comme les défenses sol-air du Pacte de Varsovie s’étaient musclées et que l’aviation frontale de ces pays comprenait des chasseurs performants, la valeur tactique du ‘Streak’ dans un conflit Est-Ouest commençait cependant à s’amenuiser.
Dans ce contexte, la 9ème Escadre de Chasse tenait sa place au sein de l’OTAN, depuis son terrain de Metz-Frescaty, où ‘Limousin’ et ‘Auvergne’ côtoient l’EC2 /7 Nice jusqu’à la fin de l’été. Le film court-métrage ‘Chantecler’ tourné avec des avions de la Neuf basés à Istres expose au grand public le déroulement d’une mission d’assaut ‘équivalente’.
Au début de 1963, l’escadre est toujours commandée par le cdt Vaujour, elle dispose de 42 chasseurs, et sa section VSV vole sur trois types d’avions: deux NC.701 Martinet (les ‘Siebel’), un Nord 1101 Ramier, et un T-33. Cependant, le parc de cette escadrille ne va tarder à évoluer, puisqu’en avril le Nord 1101 est remplacé par un Broussard, et qu’en juin les deux ‘Siebel’ sont également reversés, et remplacés par un second MH.1521 (qui arrive à la Neuf le 19 mai).
Un grand exercice Rebecca se tient le 1er mars, avec 108 heures de vols dont 17 de nuit.
Le 1/9 Limousin effectue sa campagne de tir air/air du 18 avril au 17 mai, à Solenzara, ce qui lui permet d’ailleurs de participer à Fair Game ’63. Avec 704 heures de vol et 830 sorties en un mois, tous les pilotes sont qualifiés. Mais il y a une ombre au tableau: le Ltt Ansaldi est victime d’un problème réacteur au décollage, il se tue en tentant de ramener son avion au terrain (F-84F 29032, 9-AA).
Plus de 5100 heures de vol sont effectuées par l’escadre au premier semestre, avec une très bonne disponibilité des avions (37 avions en moyenne).
Le second semestre voit le Cdt Vaujour céder la place au Cdt Reynaud à la tête de l’escadre, le 24 septembre.
Quatre avions sont en permanence opérationnelle tout au long du semestre. Le 1/9 Limousin se rend à Boufarik du 5 au 10 août, et y effectue 24 sorties. Des pilotes des deux escadrons connaissent de péripéties lors de passages trop bas sur les champs de tirs de Stetten (Allemagne) et Suippes.
Un atterrissage en patrouille de nuit à St-Dizier se passe mal le 11 septembre, mais si les avions sont endommagés (28990 9-AD et 28837 9-AT), les pilotes s’en sortent bien. Du 6 au 11 octobre, les grandes manoeuvres nationales voient la Neuf voler pour le camp ‘rouge’.
Sur la BA 128, en plus des trois unités de chasse, 16 Noratlas sont en place pour des opérations aéroportées ! Après ce coup de chaud, Frescaty ferme du 14 octobre au 11 novembre : le 2/9 Auvergne et une partie du 1/9 sont en campagne de tir à Solenzara.
Un détachement du Limousin se rend à Boufarik, où il exécute 22 sorties du 4 au 8 novembre. Le mois de novembre n’est pas bon pour la statistique de sécurité des vols, puisque deux avions sont perdus (une défaillance de réacteur qui entraîne l’éjection, le 17, et une sortie de piste, le 27), heureusement les pilotes sont indemnes. Enfin, le 27 novembre la Neuf subit une évaluation tactique ou ‘Evaltac’.
Ce sont encore plus de 5000 heures de vol qui sont l’actif de la 9ème escadre au second semestre, avec une disponibilité des avions en baisse (34 avions en moyenne). Il est vrai que quatre F-84F ont été endommagés et un détruit au cours de cette période. Notons aussi que c’est le 5 septembre que l’EC 2/7 Nice a quitté la base de Frescaty pour rejoindre Cazaux. L’escadre termine l’année avec 37 Thunderstreak en parc, et un T-33 et un Broussard pour son escadrille VSV.
La 9ème Escadre de Chasse vit l’essentiel de l’année 1964 se dérouler dans la lignée de 1963, avec campagnes de tir, permanence opérationnelle, exercices petits et grands. La disponibilité des avions, moyenne en début d’année (avec moins de 30 avions) se redressa nettement au second semestre (à 39 avions en moyenne), chaque escadron se voyant doté de 20 F-84F, avec un volant supplémentaire en maintenance au GERMAS de l’escadre.
Au chapitre des nouveautés, la Neuf s’entraîna au largage de napalm et effectua plusieurs démonstrations de l’emploi de cette arme au cours de l’année. Malheureusement, en ce qui concerne les accidents, la Neuf connut sa pire année, avec 8 accidents sérieux, dont 3 causant la mort du pilote. Par ailleurs, c’est probablement au début du 4ème trimestre que l’escadre apprit que son destin avait été scellé par l’Etat-Major.
La Neuf débute l’année 1964 avec 19 Thunderstreak en dotation au 1/9 et 18 au 2/9, pour quatre avions en permanence opérationnelle. Un accident fatal endeuille l’escadre et le 2/9, le 27 janvier : le 28970 (9-BK) subit une extinction réacteur, le Sgt Ponsard est tué lors de son éjection.
Le 1/9 Limousin se rend à Solenzara du 14 février au 13 mars pour sa campagne air/air, tandis que du 18 au 20 février quatre avions du 2/9 sont également à Zara pour des exercices d’attaque du Foch et du Colbert. La base aérienne 126 reçoit ensuite le 2/9 Auvergne, du 20 mars au 17 avril, également pour une campagne air/air.
C’est l’EC 1/9 qui effectue donc l’exercice Rebecca, le 14 avril. Le 19 mai, le Sgt Gottin du 2/9 est victime d’une perte de contrôle au cours d’un entraînement en basse altitude (avion 28919, 9-BE). Les 3 et 10 juin, des pilotes de la Neuf démontrent des largages précis de napalm, au camp de Valdahon, et réitèrent cet exercice à Cazaux le 2 juillet.
Plus de 5000 heures de vol sont effectuées au premier semestre, avec une disponibilité de moins de 30 avions en moyenne. La section VSV finit le semestre avec un T-33 et un Dassault 312.
Le second semestre débute avec un grand évènement public, le meeting national organisé à Metz-Frescaty le 5 juillet. Puis, une patrouille de l’escadre participe au défilé du 14 juillet à Paris. Du 27 au 28 juillet, les avions de la Neuf effectuent leurs démonstrations de largage napalm à Vliehors (Hollande) et à Memmingen (Allemagne).
De plus, le 1/9 Limousin se rend en échange d’escadron à Volkel, du 2 au 11 septembre. Du 17 août jusqu’au mois d’octobre, la BA 128 entretient sa piste et la Neuf est basée sur le terrain US de Chambley (Meurthe-et-Moselle), où les Américains se montrent très hospitaliers.
Un total de 1175 heures de vol sont effectués en octobre ! Hélas, au cours d’un entrainement BA, le Ltt Chavane percute le sol et se tue, le 23 du mois. En novembre, l’activité est intense également, avec plusieurs exercices (Rodéo, Radex) et des créneaux de tirs à Epagny, Vliehors et Suippes. Le 7 décembre, la Neuf participe au grand exercice OTAN Quick Train.
Au total, au second semestre, ce sont pas moins de 5511 heures de vol qui sont effectuées par les pilotes de la 9. Encore une fois, les deux escadrons bouclent une année avec plus de 10 000 heures de vol inscrites. L’escadrille VSV est au diapason de cette activité extrêmement intense, elle compte quatre avions en fin d’année : deux T-33, un Dassault et un Broussard.
Pour la 9ème Escadre de Chasse, 1965 fut une petite année: celle de sa dissolution. Mais, si son existence se limita à un semestre, on est pourtant surpris de constater que l’escadre accomplit près de 4300 heures de vol sur F-84F alors même que ses effectifs commencent à décroître à partir de février. Il y eut même un échange d’escadron avec le 163e Filo de Bandirma en Turquie, en juin. Ainsi, loin de s’éteindre à petit feu, la Neuf vola presque comme si de rien n’était, avant de cesser de vivre brusquement le 30 juin 1965 … en pleine santé. Un témoignage de la vitalité de cette jeune escadre qui avait su s’affirmer comme une grande unité en à peine plus d’une décennie.
Le mois de janvier 1965 voit l’escadre fonctionner de manière inchangée, accomplissant sa mission principale aux ordres du 1er CATAC, avec 323 hommes pour la servir. Mais le 1er février, la Neuf perd sa mission principale, en raison de sa dissolution qui est programmée pour juin ; aussi ses missions vont se cantonner à l’instruction et à la progression des pilotes. En cas de conflit, la Neuf serait rattachée aux 1ère et 4ème escadres, de St-Dizier et Luxeuil.
Le service de piste est désormais unique pour le 1/9, le 2/9 et la section VSV. Pourtant, l’activité demeure importante malgré la décrue en personnel, ce qui permet à 6 pilotes d’obtenir leur brevet de chef de patrouille, à 8 autres de passer leur licence de sous-CP, et à 9 pilotes de devenir ‘PO’. Du 14 au 22 juin, 8 pilotes et 21 mécaniciens se rendent à Bandirma pour être accueillis par le 163e Filo turc.
Le 31 mai paraît l’instruction ministérielle 1580/EMAA/I/OO/DR qui officialise l’ordre de dissolution de la 9ème Escadre de Chasse, laquelle est prononcée le 30 juin.
Un défilé aérien avec 22 Thunderstreak vient marquer la fin effective de l’activité de la Neuf. A compter du 30 juin, les F-84F du 1/9 Limousin et du 2/9 Auvergne sont convoyés vers St-Dizier et Luxeuil.
La Neuf a vécu … mais elle a bien vécu.
Et … A la Chasse, Bordel !
Voir aussi: ‘La 9ème escadre vue par un jeune messin’ par Michel Léonard.
Remerciements: A Eric Moreau pour la mise à disposition de son fond documentaire sur la 9ème Escadre, et de ses archives photographiques. A Alain Duvernoy pour la mise à disposition de sa documentation sur la 9ème Escadre, à Bernard Régnier, Alain Crosnier, Marc Rostaing pour leurs photos.
Copyright: le groupe ‘La Neuf’ et escadrilles.org. Reproduction interdite.
Référence: ‘Pilote de guerre en temps de paix’, Michel Brisson, 2012. 311pp. (26 euros + port, chez l’auteur).
Le groupe ‘La Neuf’ comprend:
Paul Berger (on attend ta photo)
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Avec Michel Léonard
Et la participation constante d’Eric Moreau
9ème Escadre | EC 1/9 Limousin | EC 2/9 Auvergne |
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du 01.04.1954: Cdt Giraud | du 01.04.1954: Cdt Chausse | du 01.08.1954: Cne Galibert |
du 17.12.1955: Cdt Cardot | du 01.03.1956: Cne Birden | du 01.11.1955: Cne Payen |
du 25.10.1957: Cdt Perfettini | du 01.10.1957: Cne Camps | du 04.10.1958: Cne Oleo |
du 05.09.1960: Cdt Mayot | du 01.04.1959: Cne Pouget | du 22.07.1960: Cne Thépin |
du 07.11.1961: Cdt Vaujour | du 30.03.1961: Cne Ruelle | du 04.07.1962: Cne Vautier |
du 24.09.1963: Cdt Reynaud | du 04.03.1963: Cne Ruer | du 20.04.1964: Cne Malagane |
— | du 01.09.1964: Cne Georges | — |
Note: faute de recoupement des sources, il est possible qu’il y ait quelques petites erreurs de dates dans ce tableau. Prière de contacter Escadrilles si vous en remarquez.