C’est par la grâce d’une autorisation du LCL Pélisson, commandant la 3ème Escadre de Chasse que nous sommes autorisés à visiter les trois escadrons de la Trois, le GERMAS et la tour. Un beau programme pour un lendemain de Jour de l’An de l’année 1978 qui témoigne aussi de l’activité opérationnelle de la FATAC à cette période.
En 1978, la Lorraine compte deux bases d’avions de combat (la BA 133 pour la Trois, et la BA 136 pour la Onze), la BA 128 de Frescaty étant moins bruyante, avec un trafic axé sur la liaison, le transport et l’entrainement des pilotes de l’état-major.
On trouve également deux bases aériennes de combat en Alsace (la BA 124 de Entzeim pour la 33, avec trois escadrons, et la BA 132 de Meyenheim pour la Treize, avec trois escadrons). Pour faire bon poids, dans le quart nord-est de la France on peut ajouter la BA 102 de Longvic (2ème Escadre, trois escadrons dont un de transformation), la BA 112 de Reims (30ème Escadre, deux escadrons), la BA 113 de St-Dizier (7ème Escadre, trois escadrons dont un de transformation), la BA 116 de Luxeuil (4ème Escadre, deux escadrons).
En faisant le compte, on obtient 22 escadrons de combat sur un quart de la superficie du pays, une donnée reflétant la situation géostratégique de l’époque. C’est-à-dire qu’il y avait trois fois plus d’unités de combat dans le nord-est du pays que dans toute la métropole aujourd’hui.
Pour revenir à Ochey, la base abrite en 1978 deux unités de Mirage IIIE, une de Jaguar, et le CEVSV 338 (le distributeur de cartes vertes pour toutes les unités de combat françaises). Originalité, la 3ème escadre de Chasse vole sur deux types d’avion: en effet, après le départ des Mirage VF un an plus tôt, le 3/3 Ardennes est maintenant opérationnel sur le Jaguar en mission « Martel ».
Le grand parking devant les deux escadrons de Mirage et le GERMAS 15/003 est éclairé par un soleil voilé, mais cette lumière est déjà bienvenue pour un 2 janvier lorrain. Une belle lignée d’une dizaine de deltas réjouit notre regard, avec des avions du 1/3 Navarre (SPA 95 et SPA 153) et du 2/3 Champagne (SPA 67 et SPA 75).
Les IIIE sont préparés en différentes configurations, allant du lisse au lourd, ce qui témoigne de la diversité des sorties exécutées ce jour là. En effet, si la Trois a pour mission principale la pénétration et l’assaut anti-radar, les pilotes s’entraînent aussi aux autres missions air-sol ou air-air. A cette époque, les Mirage sont déjà camouflés, mais portent encore la grosse cocarde et le liseré rouge sur les entrées d’air.
Le camouflage fait aussi son apparition graduelle sur les réservoirs supplémentaires: on observe des bidons de 1300 et 1700 litres en finition « alu » ou camouflés. Les insignes d’escadrille sont bien visibles de chaque côté de la dérive (deux escadrilles par escadron à cette époque). D’ailleurs, même dans la décennie suivante, celle de la basse-visibilité, puis à l’époque du 2000D, les escadrons de Nancy n’ont jamais renoncé à porter des traditions bien visibles.
En 1978, le IIIE est à la pointe au niveau des performances, et complètement adapté au contexte stratégique, l’absence de ravitaillement en vol n’étant pas un gros handicap en zone centre-Europe en cas d’agression par ‘ceux d’en face’. Les ennuis de jeunesse (qui furent moins nombreux que sur le IIIC) sont déjà oubliés depuis longtemps, et l’obsolescence est encore loin.
Les IIIE de la Trois sont des avions de la deuxième tranche, avec un peu plus de carburant dans les ailes et un détecteur de menaces plus performant. Ce n’est que quelques années plus tard que les Mirage emporteront des contre-mesures actives sur les pylones extérieurs (Phimat, Barracuda et Barax). Les Mirage de première génération quitteront les escadrons de la BA 133 entre 1991 (2/3 Champagne) et 1994 (3/3 Ardennes), au fur et à mesure de la livraison des 2000N-K2 puis des 2000D. Notons que les engins anti-radar spécifiques ont disparu de la panoplie française.
Il se trouve que 45 ans plus tard, la base aérienne 133 est la seule plate-forme d’aviation de combat où les unités présentes n’ont pas été profondément remaniées, et revues à la baisse en général. Même l’allure extérieure des avions n’a pas beaucoup changé ! Mais les capacités des 2000D sont bien plus fortes, et les équipements confèrent au successeur du IIIE un niveau de confort plus élevé dans l’exécution de la mission d’assaut à basse altitude. C’est heureux, car il fait peu de doute que les 2000D dépasseront les Mirage IIIE en longévité, dans l’Armée de l’Air.
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Remerciements: Au colonel Pélisson, alors commandant de la 3ème Escadre de Chasse.