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Pilote à la Neuf en 1955

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L’auteur, se préparant pour un vol sur Thunderjet en 1956

La vie des pilotes à la Neuf en 1955

Lorsqu’un jeune pilote arrive en escadre dans les années 50, la composition en hommes et en matériel est à peu près la même partout. Sur une douzaine d’escadres de chasse opérationnelles, ou en passe de l’être, la moitié est équipée de matériel français : Ouragan, Mystère II, Mystère IV, et les autres de matériel américain ou anglais: F-84, Mistral, Vampire (et quelques P-47 en Algérie).

La neuvième Escadre nouvellement re-créée, ne fait pas exception : elle est dotée, on le sait de F-84E. A la tête de l’Escadre: un commandant. Un commandant plutôt ancien. D’ailleurs, en 1955, le commandant Girault passera lieutenant-colonel juste avant de quitter la Neuf.

Les escadrons Limousin et Auvergne

Deux par escadre: à Lahr, puis à Metz, Le Limousin (1/9) et l’Auvergne (2/9). Les escadrons sont commandés par un capitaine. Ils comprennent deux escadrilles.
Au 1/9, l’Aigle et le Fennec, et au 2/9: la ‘Morietur’ et la ‘Folie’. Cette escadrille, la Folie, est la SPA 85, c’est-à-dire une escadrille issue de la Première Guerre Mondiale, créée en 1916. Les commandants d’escadrille ont le grade de lieutenant. Souvent ‘anciens’, ils ont fait l’Indochine et ont à peu près 1000 heures de vol. A ce sujet , le jeune pilote qui arrive en escadre totalise 300 heures environ.

Le ‘gros de la troupe’, 30 pilotes en tout et par escadron, est constitué de sous-officiers. En majorité au grade de sergent; engagés pour une durée de cinq ans minimum. Il y a peu de sergent-chefs. Quant aux adjudants et adjudants-chefs, au statut ‘de carrière’, ils sont ce que l’on appelle des ‘chefs pilotes’. Le ‘chef pilote’ n’est ni un grade ni un rang dans la spécialité, comme par exemple le sous-chef ou le chef de patrouille. Le chef pilote a beaucoup d’heures de vol, souvent davantage que le commandant d’escadron. Il a piloté plusieurs types d’appareils et il est obligatoirement qualifié chef de patrouille. Il est reconnu pour ses compétences dans le métier. On lui confiera les missions les plus difficiles, et plus particulièrement l’entraînement des jeunes pilotes qui seront appelés à voler ‘dans son aile’.

Lorsque le chef-pilote émet un avis sur un matériel, un équipement ou la manière de s’en servir, il est généralement écouté. Au 2/9, en 1955, il y a deux chefs pilotes, tous les deux au grade d’adjudant : Dias Perreira et Louis Potel. Au 1/9, ce sera l’adjudant-chef Jean Toussaint que l’on peut également qualifier de grand aviateur. Du point de vue de la typologie organique des escadrons, la description ne s’arrête pas là : il y a des officiers, souvent sous-lieutenant, qui deviendront automatiquement lieutenant après deux ans dans le grade et qui servent sous le statut des Officiers de Réserve en Situation d’Activité: les ORSA.

Et les Officiers de l’Ecole de l’Air ? J’y arrive. On les classe en abrégé : RD, c’est-à-dire de recrutement direct. En 1954 et 55, ils sont encore peu nombreux dans les escadrons, mais leur nombre va croître rapidement. Appelés à occuper les plus hautes fonctions dans l’Armée de l’Air, ils arriveront en plus grand nombre dans les années 56-60 : si l’on jette un coup d’œil sur le recrutement de l’Ecole de l’Air à la spécialité de pilote (chasse ou transport), on voit que de 73 en 1950, ils passent à 116 en 1951. Ils atteindront 140 de 1953 à 1956, pour retomber à 65 en 1960. Sachant qu’il ne fallait, en ce temps là, que de un an à dix-huit mois pour ‘faire’ un pilote, on voit que le ‘RD boom’ à partir de 1953 va se faire sentir au moment de la période dont il s’agit ici.

On n’oublie pas les EOA (Ecole Militaire de l’Air). On devrait dire EMA, mais on dit: Ecole des Officiers d’Active. Ceux-là sont d’anciens sous-officiers qui ont passé un concours de haut niveau (en tout cas c’est mon avis) puis ont suivi un enseignement -d’un an, je crois- à Salon de Provence. Dans cette catégorie, l’avancement, au moins dans les grades subalternes, c’est-à-dire jusqu’au grade de capitaine est le même que celui des officiers de RD. Ils obtiendront des postes de commandement d’autant plus facilement que l’apport des RD est restreint au début des années 50.

Michel Brisson, au pied d'un F-84G, photographié par Gérard Schaub (également pilote)
Michel Brisson, au pied d’un F-84G, photographié par Gérard Schaub (également pilote)

Par exemple, au 1/9 Limousin, le capitaine Pouget (EOA) va succéder à Birden (RD). Beaucoup, je crois, commandèrent des bases aériennes, certes pas les plus importantes, mais Romorantin est une base aérienne ! Peu obtiendront les étoiles de général. En escadre, en escadrons, les EOA qui ont déjà une certaine ancienneté -1000h de vol et S/CP- seront commandant d’escadrille au grade de Lieutenant. Ainsi les lieutenants Souchet et de Rolland au 1/9 sont EOA comme le seront Meyer et Clervoy : le père de notre spationaute. C’est moins vrai au 2/9 Auvergne où les lieutenants Thépin et Duguet viennent de l’Ecole de l’Air (RD).

Revenons sur les Officier de Réserve en Situation d’Activité (ORSA). Pour un jeune pilote de chasse, et même lorsqu’il est plus âgé, le statut des ORSA n’est pas très connu. Le pilote de chasse n’a jamais été un grand connaisseur des lois et règlements. Tout ce que l’on sait, à cette époque, c’est que les sous-officiers sortant premiers de promo ou dans les premiers sont nommés sous-lieutenant. Conséquence, le sergent passe du jour au lendemain dans la catégorie des officiers. Evidemment la solde suit : elle est environ du double de celle d’un sergent-pilote.

Quel va être le cursus de cette catégorie d’officiers que les autres (RD) considèrent comme hybrides à tel point que parfois ils les surnomment ‘TTX’ (immatriculation passagère des voitures en transit souvent d’Allemagne) ? Tout va dépendre des circonstances. Les galons étant les mêmes, on ne distinguait pas, de ce fait, un ORSA d’un RD. Et tout ce monde là va vivre ensemble, voler ensemble au sein des escadrons. D’où une ambiance particulière, sur toile de fond de bonne camaraderie mais avec parfois quelques teintes de vivacité plus ou moins caractérielle selon les cas.

Ainsi en fût-il de la question du tutoiement des officiers venant de l’Ecole de l’Air. Que l’on ‘rende le respect’ au commandant d’escadron -capitaine- rien de plus normal. Au commandant d’escadrille, au rang de lieutenant, la question ne se pose pas. Mais alors, ne pourrait-on pas tutoyer un jeune pilote, lieutenant, certes, mais appelé à voler sous les ordres d’un adjudant, chef-pilote par exemple, ou bien d’un sergent-chef, à la qualification de chef de patrouille ? Entendra-t-on, au moment du débriefing: Mon lieutenant, qu’est-ce que vous avez fait comme conneries !

Car les débriefings n’empruntaient jamais au style de la Marquise de Sévigné ! Le problème n’était pas simple. Dans l’immédiat, ces jeunes lieutenants étaient professionnellement au même niveau qu’un sergent. Mais il était certain que leur progression était rapide et celle de leurs fonctions aussi. Le sergent, devenu adjudant-chef tutoierait-il le général, son ancien condisciple ? Très rapidement, on fut invité à ‘respecter les distances’. En toute camaraderie cependant. Personnellement, le vouvoiement (Chirac disait: voussoiement) ne m’a jamais gêné.

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