Le 2/33 « Savoie » est une unité de reconnaissance dont les traditions remontent à la création de l’escadrille D 6 en décembre 1912, à Reims, dissoute en tant que SAL 6 en 1919, puis à l’adoption de la « Mouette » (insigne de l’ex SAL 70) par l’escadrille en 1920.
Lors de la constitution de la 33è Escadre d’Observation en juillet 1932, le Groupe d’Observation II/33 est constitué des escadrilles SAL 33 (la Hache) et SAL 6, alors que le G.O. I/33 comprend lui la BR 11 (la Cocotte) et la BR 244 (le Léopard). Le G.R. 2/33 est baptisé « Savoie » en novembre 1943.
L’Escadron de Reconnaissance 2/33 « Savoie » voit sa dénomination définitivement fixée en 1964, sur la BA-124 de Strasbourg Entzheim. En août 1993, il devient un escadron « nouvelle formule » après la disparition de la structure en escadre: il adopte la BR 11 en tant que seconde escadrille (celle-ci venant juste d’être laissée orpheline suite à la dissolution du 3/33 « Moselle »), puis la SPA-Bi 53 en tant que troisième escadrille (le Fanion C 53).
L’ER 2/33 établit ses quartiers sur la BA 112 « Marin la Meslée » en 1994, base aérienne qui demeure son nid jusqu’à aujourd’hui, et pour encore quelques semaines. Il est actuellement commandé par le LCL P. Réal, le commandant en second étant le LCL W. Schmidt. Jusqu’à l’année dernière, le « Savoie » partageait son destin avec le « Belfort »: les deux escadrons volaient depuis 1983-84 sur F-1CR, le premier chasseur tactique de l’Armée de l’Air capable d’une navigation de précision tous-temps et ravitaillable en vol.
Les qualités de cet avion ont grandement contribué à faire de l’unité une des plus titrées en matière de déploiements extérieurs: à part l’Antarctique, tous les continents ont été survolés par les F-1CR du « Savoie ». En juin 2010, trois avions du 2/33 achevaient momentanément les aventures africaines des F-1 français, mais en mars 2011, les CR du 2/33 étaient à nouveau à pied d’œuvre au-dessus de la Lybie. Entre 4 et 6 avions sont basés à Solenzara dans le cadre de l’Opération Harmattan. Pour ce qui est de l’Asie, un détachement de trois F-1CR est basé à Kandahar (Afghanistan) mobilisant un total de 30 à 40 personnes au profit de l’opération internationale dans ce pays. Le détachement sur la base de Solenzara mobilise 30 à 40 personnes (celui de Kandahar est probablement aussi important).
Le Dassault Mirage F-1CR est le plus abouti des F-1 commandés par l’Armée de l’Air, équipé dès l’origine d’un radar optimisé pour la basse altitude, le Cyrano IV MR, couplé à une plate-forme intertielle Uliss 47 et un calculateur de navigation. Dès le départ, l’appareil intègre la mission air-sol dans ses spécifications: de nos jours les F-1CR sont, comme les CT, capables de délivrer deux paires de BGL de 250 kg à grande distance, tout en assurant leur auto-protection grâce aux brouilleurs Barracuda et Barax, au lance-paillettes Phimat et au lance-leurres IR Corail (adopté plus tard). Les deux Magic II portés en extrémités d’ailes sont les dents des F-1 de reconnaissance.
Toutefois la mission première attribuée à ces unités est la reconnaissance au moyen de capteurs optiques (caméra OMERA 40 de 75 mm adpatée à la basse altitude, et OMERA 33 de 150 mm adaptée à la moyenne altitude), infra-rouge et électromagnétique. Les données infra-rouges sont captées par le dispositif Super-Cyclope qui équipe la soute canon droite, le canon gauche demeurant un attribut bien utile pour les missions de reconnaissance armée. C’est la nacelle ASTAC (Analyseur de Signaux Tactiques) qui permet de compléter la panoplie des capteurs, permettant au 2/33 d’assurer les missions Elint à proximité du champ de bataille.
A partir de 2000 la nacelle Presto (Pod de reconnaissance stand-off) vient compléter les moyens optiques, surtout dans le domaine de la haute altitude (jusqu’à 40 000′), une mission assurée auparavant par les Mirage IVP du « Gascogne ». Cette nacelle muni d’une caméra de longue focale permet l’obtention de vues panoramiques de haute définition grâce à une rotation d’horizon à horizon. Elle permet des prises de vues avec un déport de plus de 30 km par rapport avec l’objectif.
Les clichés argentiques de Presto ne peuvent pas être télé-transmis, mais la procédure appliquée permet leur mise à disposition 30 minutes après l’arrêt de l’avion (une heure après, les images interprétées sont envoyées aux commandements). La station au sol SARA (Station Aérotransportable de Reconnaissance Aérienne) assure la réception en temps réel de certaines données et fournit les moyens nécessaires à l’interprétation et à la transmission des informations.
La mission reco nécessite traditionnellement une longue préparation au sol: il faut compter 1h30. Pendant ce laps temps, le pilote réalise une pré-programmation qui comprend la mise en mémoire des trajets et des prises de vues. La mission peut ensuite se dérouler avec un mode automatisé, le pilote prenant cependant des notes de ce qu’il voit; il a la faculté également d’effectuer des prises de vues en mode manuel. Les missions sont souvent assez longues puisque les 4100 litres de carburant emportés en interne sur le CR à quoi s’ajoutent souvent deux bidons pendulaires de 1200 litres lui donnent une autonomie de deux heures en Hi-Lo-Hi, sans ravitaillement. (Le F-1CT a encore plus d’allonge grâce à un plein interne de 4230 l, alors que le F-1B dispose lui de 3800 litres). Cependant, le pilote est tenu de se présenter au terrain avec un minimum de 600 litres, qui lui assure une remise de gaz et 10 minutes de vol.
A titre d’exemple, les missions au-dessus de la Lybie sont effectuées à environ 20 000′ (hors des menaces SA-7) et ont des durées d’environ 4 heures au départ de la BA 126: deux heures de transit A/R entre Zara et le ravitailleur, 30 minutes de transit ravitailleur/objectif à l’aller puis au retour, et une heure au dessus de l’objectif. Il arrive qu’il y ait des aléas au cours de ces missions, du fait de l’indisponibilité d’un ravitailleur.
La dotation actuelle du 2/33 est de 28 avions dont 8 F-1CT et 5 F-1B, mais elle passera à 23 avions au second semestre 2011, après la migration vers Mont de Marsan, avec le retrait de 4 F-1CT. Malgré l’âge des avions, l’ESTA maintient une très bonne disponibilité: l’escadron réalise en moyenne 20 sorties par jour, et jusqu’à 28 avec les vols de nuit. Le « Savoie » compte seulement 70 personnes dont 35 pilotes (y compris 3 à 4 PIM par an). Parmi les spécialistes, il y a les interprétateurs photo et les analyseurs Elint (8 personnes). Actuellement, en raison du surcroît d’activité de l’escadron, le 2/33 a fait appel à des réservistes et à des abonnés, ces derniers pouvant contribuer aux sorties d’instruction des jeunes pilotes.
Autrefois, la transfo des jeunes pilotes sur F-1 incombait au 3/33 « Lorraine », la mission est passée ensuite au 1/30 « Alsace » sur la BA 132. Le nombre d’unités sur F-1 se réduisant année après année, le « Savoie » effectue aujourd’hui la totalité du spectre des missions permises par l’appareil, y compris l’attaque, et éventuellement la permanence opérationnelle. Lorsqu’un jeune pilote obtient sa qualification « PO », il continue ses vols d’entraînement pour obtenir les capacités « Presto » et « Astac », en même temps qu’il poursuit sa formation vers les qualif de sous-chef de patrouille puis de CP.
Si plusieurs pilotes ont approché ou dépassent les 2000 heures de vol, c’est le Capitaine « Timber » (un ancien de l’Alsace) qui détiendrait actuellement la palme au 2/33 avec 2800 heures, y compris ses vols en tant qu’instructeur. Mais c’est le simulateur F-1CR qui a le plus volé, sur la base, avec 70 000 heures de vol depuis 1994. Bien qu’en parfait état, il semble qu’il ne soit pas déménagé vers la BA 118: il occupe un bâtiment à lui tout seul. Malgré les grands services qu’il rend, il est destiné à être démonté sur place. Par contre, le simu F-1CT sera du voyage, car il est moins volumineux.
L’Escadron de Soutien Technique Aéronautique Mirage F-1 (ESTA 2E33) est comparativement une grosse unité puisqu’il compte 270 personnes: 30 techniciens « vecteur » (qui s’occupe des cellules), 20 spécialistes « moteur », 25 techniciens « SNAR » (Système de Navigation d’Attaque et de Reconnaissance), 25 électriciens/électroniciens, 30 « pétafs » (armements et emports), ainsi que des techniciens qui entretiennent les nombreux matériels de servitudes.
Le Mirage F-1CR demande une visite 2° échelon toutes les 990 heures de vol ou 49 mois et une inspection réacteur est effectuée toutes les 100 heures en moyenne, elle nécessite une demi-journée. Les avions ont en moyenne 5 à 6000 heures de vol, le plus vieux étant le F-1CT n°229 avec 7008 heures, et le plus jeune étant le F-1B n°509 avec seulement 4632 heures.
C’est à travers un dialogue permanent que l’ESTA met « ses » avions à disposition du 2/33: le Capitaine Loup nous explique que le planning hebdomadaire est examiné conjointement entre le Chef Ops (LCL Vinot-Préfontaine) et le Chef de Management ESTA. La disponibilité en piste quotidienne et l’exécution du nombre voulu de missions sont le fruit du dialogue entre les commandants d’escadrille (tour à tour chaque semaine) et le chef de piste, qui est responsable de la maintenance 1°échelon.
Notons que sur la BA-112, on a la chance de pouvoir admirer des avions arborant leur décoration de dérive complète, certains F-1CR continuant même à porter les insignes du 1/33 « Belfort ». Visiblement l’ESTA n’a pas souhaité faire disparaître rapidement le souvenir matériel de l’escadron « frère » du 2/33, ce qui n’est pas pour déplaire au nostalgique de passage.
Avec le déménagement vers la BA 118, qui sera achevé en cours d’été, l’escadron 2/33 s’installera dans les locaux laissés vacants par le départ du 3/62 « Ventoux » (vers Creil). La planification actuelle indique que les Mirage F-1CR et B voleront au moins jusqu’à la fin 2014, à la suite de quoi se dresse une zone d’incertitude pour le « Savoie ».
Bien que le 2/33 ne fasse pas actuellement partie de la liste officieuse des unités qui voleront sur Rafale, il possède des arguments sérieux pour demeurer un escadron volant sur « avion« : il reste l’ultime représentant des grandes unités de reconnaissance, le GR II/33 reprit dès le début 1943 la lutte contre les forces de l’Axe, équipé des Lockheed « Lightning », il compta parmi ses pilotes une sommité de la littérature, Antoine de St-Exupéry, qui a immortalisé l’action de la reconnaissance française en 1940 (« Pilote de Guerre »). Il est vrai que lors de la campagne de France, Saint-Ex appartient à la première escadrille du II/33, la SAL 33, celle de la Hache.
L’insigne du « Savoie » s’inscrit dans une croix de Lorraine: cela laisse espérer que le 2/33 trouvera sa place aux côtés des unités FAFL déjà retenues pour poursuivre leur aventure sur « avion » dans un 21e siècle qui s’annonce turbulent.
Remerciements: au SIRPA – Air, au Bureau des Relations Publiques de la BA-112 (M. Lafarge), au Lieutenant Colonel Schmidt et au personnel de l’ER 2/33 « Savoie », en particulier le Lieutenant Colonel Vinot-Préfontaine et le Capitaine Philippe (qui nous a ouvert toutes les portes), ainsi qu’au personnel de l’ESTA, en particulier le Capitaine Loup, sans oublier le personnel du simulateur F-1CR qui nous a fait vivre un très bon moment « aux commandes ».
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