Pendant deux semaines, l’escadron de chasse 2/5 Ile-de-France, conduit par le Lieutenant Colonel Brunetta, a déployé 19 avions, 35 pilotes et plus de 100 mécaniciens sur la base aérienne 126 « Capitaine Preziosi » de Solenzara en Corse.
La campagne de tir air-air et air-sol s’est parfaitement déroulée avec une moyenne de 50 mouvements par jour.
Le 2/5 avait délocalisé la majeure partie de son activité à Solenzara puisqu’avaient lieu aussi bien les sorties de tir que les sorties d’entraînement dévolues à la formation des jeunes pilotes. Trois Mirage 2000B étaient disponibles sur place.
Seuls restaient à Orange les pilotes en instruction initiale, plusieurs instructeurs, et une demi-douzaine d’avions. Les deux types de missions figuraient au tableau d’ordre et elles étaient assurées grâce à l’organisation de deux « pistes » différentes, avec des bureaux de piste et des emplacements de parking distincts.
D’ailleurs, les 2000B n’étaient pas employés que pour la transformation, ils assuraient aussi des missions de tirs air-sol, avec les bombes à guidage laser d’entraînement (LGTR).
Cinq 2000c, munis d’un réservoir ventral, et des instructeurs assuraient les missions de transformation, au profit des pilotes en instruction (affectés au 2/5) et des pilotes stagiaires (en transformation au 2/5 mais affectés à un autre escadron de 2000) qui étaient présents à Zara.
Ces derniers étaient tous déjà lâchés, avec au minimum une expérience de 50 heures de vol (et autant de séances de simulateur). Rappelons que les « PIM » suivent une formation qui dure environ 18 mois depuis le lâcher sur 2000 jusqu’à l’obtention du statut de pilote opérationnel. Au cours de cette période, ils accumuleront une expérience grâce à une soixantaine de séances de simulateur et 150 à 200 heures de vol.
L’entraînement au combat aérien demeure la base de la formation du pilote opérationnel de défense aérienne. Rappelons que les 2000 RDI d’Orange ne sont pas convertis pour tirer des missiles Fox 3, comme le MICA EM, et que leur armement air/air se compose de leurs canons de bord et de missiles Magic 2 (IR).
Un entraînement intensif au combat aérien permet au jeune pilote de mieux maîtriser son avion en évolutions serrées: il faut savoir que les manoeuvres en combat se font avec plus ou moins de souplesse et qu’un pilote peu expérimenté offrira plus de « solutions de tir » à l’opposant en braquant plus fréquemment et plus violemment ses éléments mobiles.
Les missiles IR modernes sont dotés de systèmes de reconnaissance (bande 3 type Mica IR, IRST, Aim9X) qui identifient facilement la forme des avions, sans parler évidemment de la conduite moteur afin de réduire la signature IR.
Les sorties de tir étaient organisées par bloc de deux heures, au cours desquels quatre patrouilles de deux M2000 étaient programmées. Il y a eu fort peu de missions annulées: elles se sont déroulées au rythme d’une patrouille de deux Mirage tous les quarts d’heure, les missions durant généralement moins de 50 minutes.
Pour alimenter cette noria, la remise en oeuvre des avions se devait d’être extrêmement efficace, le ballet réglé des mécaniciens et des armuriers ou « pétafs » veillait au réapprovisionnement des canons et des lance-bombes, et aux opérations de maintenance en piste.
Pour les sorties de tir air-air, les Mirage 2000 RDI étaient quasiment en configuration lisse, emportant seulement une maquette de Magic 2 munie de son autodirecteur: des missions courtes avec un avion puissant. Durant cette campagne air-air, les pilotes ont seulement tiré avec leurs deux canons.
La première patrouille à s’envoler (aux heures rondes) suivait de peu l’Alphajet remorqueur de cible du 2/2 Côte d’Or. Direction la zone D-67 toute proche, au dessus de la mer Tyrrhénienne, où l’espace appartient aux chasseurs du niveau de la mer à la stratosphère.
Pour les tirs air-air, le remorquage de cible ou « biroutage » était en effet assuré par un détachement conséquent de l’escadron d’entraînement 2/2 Côte d’Or comprenant trois Alphajet, six pilotes et environ 15 mécaniciens.
La présence d’autant d’avions tireurs imposait également aux « biroutiers » un rythme élevé: pour chaque tour de quatre patrouilles, deux sorties du 2/2 étaient nécessaires, car avec sa cible TAC 100 l’Alphajet ne peut emporter que son plein interne (1900 litres) avec par conséquent une autonomie limitée.
D’autre part, une fois déroulée, la cible engendre une trainée très élevée, d’où une consommation importante.
Une fois positionné en zone D-67 an niveau 130-150, le biroutier déroule sa cible au bout d’un câble textile de 500m, la première patrouille de 2000, présente à ses côtés, vérifie que l’opération se passe sans incident.
La cible est composée d’un panneau de treillis textile de 4 x 2 m, accroché à l’arrière de la TAC 100, un corps profilé contenant des capteurs acoustiques, laquelle est reliée à l’avion par le câble.
Ensuite, le pilote du gadjet se met en virage vers la droite, à 250 – 300 kts, et effectue des orbites: les Mirage se positionnent à l’intérieur de ce cercle et effectuent leurs passes de tir, un par un. Les pilotes du 2/5 ont le choix entre deux cadences de tir pour leur DEFA de 30 mm: 1200 ou 1800 coups/minute. Ils sélectionnent une salve de 0,5 ou 1 seconde.
Lorsque l’Alphajet du 2/2 revient au terrain, le pilote largue le câble et l’ensemble cible sur une aire spécifique, puis revient pour son break et son atterrissage.
L’ensemble de la cible est récupéré, examiné, puis reconditionné pour un vol suivant. Les résultats des tirs étant enregistrés par acoustique, l’exploitation des données se fait sur un ordinateur à la ciblerie. Les armuriers examinent aussi le panneau cible et décident s’il est réutilisable; parfois il est très abîmé.
De même la TAC 100 elle-même est examinée et testée, sauf quand elle a été détruite en vol par des tirs trop précis. Une campagne de tir comme celle du 2/5 nécessite 50 à 60 panneaux cibles.
De l’avis de la ciblerie, les pilotes du 2/5 ont été particulièrement précis lors de cette campagne, un bon nombre de panneaux et même quelques corps de TAC 100 étant rayés des registres.
Cependant, les Alphajet biroutiers manquent un peu de souffle et n’offrent pas les configurations de tir les plus difficiles; lorsque c’est un Mirage qui officie, le pilote fait tout son possible pour « défendre sa biroute », le nombre de coups au but est alors souvent inférieur. Néanmoins cet entraînement demeure hautement réaliste car il permet de qualifier les pilotes aux missions de police du ciel.
Après chaque mission, le résultat des passes de tir est restitué en salle d’opérations: en face du nom de chaque pilote, on voit s’accumuler les ronds bleus (tir réussi, plus de 2 obus au but), rouges (cas contraire), ou jaune (impossibilité de tir).
Un score moyen d’environ 20% d’obus écoutés dans la plus petite sphère a été enregistré, soit plus de cinquante pour cent des passes réussies, passes de tir des PIM comprises. L’Ile-de-France de 2012 est un digne héritier des gun-fighters du Sqn 340.
Pour les tirs air-sol, les Mirage étaient équipés du lance-bombes d’exercice LBF-2 avec quatre bombes lisses de 4 kg, simulant la trajectoire d’une Mk82 de 250kg.
Les pilotes allaient tirer sur le champ de tir de Diane, quelques dizaines de km au nord du terrain. L’EC 2/5 est, après la dissolution du 1/12 le 30 mars, l’unique unité volant sur 2000 RDI, un modèle multirôle disposant d’un radar optimisé pour l’air/air mais présentant d’excellentes dispositions en mode air/sol, comme par exemple une bonne capacité de télémétrie, avec un grand champ.
La désignation visuelle de l’objectif dans la tête haute permet un tir « facile » grâce au calculateur, et les pilotes ont réalisé couramment des tirs à moins de 50 m de la cible, considéré comme coup au but pour une bombe de 250 kg, celle qui est simulée par le projectile d’exercice.
Pas mal pour des « chasseurs bleus »; mais il est vrai que l’escadron a intégré plusieurs pilotes bien entraînés au bombardement ces derniers temps, ce qui permet un transfert d’expérience.
Deux 2000B ont aussi été équipés de bombes guidées laser d’entraînement (LGTR), afin que le 2/5 complète son profil d’escadron multi-rôle.
La désignation des objectifs a été réalisée soit par des JTAC postés au sol, soit par des 2000D venus spécialement de Nancy pour l’occasion.
L’attaque simulée était alors réalisée par une patrouille mixte 2000B-2000D, comme c’est encore le cas pour le plus récent chasseur de chez Dassault. Là aussi, les tirs d’entraînement ont été couronnés de succès.
Bien peu de Mirage ont séjourné au hangar durant cette campagne de deux semaines à Solenzara: une fois l’avion de retour au parking, un court entretien entre le pilote et les mécaniciens permettait généralement à ces derniers de préparer l’avion pour le tour suivant.
On a bien déploré quelques aléas de réacteur, de radar, ou d’hydraulique, mais le détachement de l’ESTA 2E005 s’est fait fort de régler ces problèmes de routine, si bien que chaque matin le tarmac de la base aérienne 126 offrait le beau spectacle de presque 20 Mirage à la dérive ornée de l’insigne de « l’Ile-de-France » … ou des escadrilles du « Cambrésis », puisque cinq 2000 portaient toujours les marques du 1/12.
La préparation des avions en amont de la campagne de tir et le détachement d’une équipe bien dimensionnée ont permis à l’ESTA d’offrir au 2/5 une disponibilité proche de 100%.
De ce fait, la plupart des missions prévues ont été effectuées et tous les pilotes ont vu leur expertise augmenter.
Pour l’ensemble du personnel présent, cette campagne de tir 2012 restera dans les annales, avec un nombre record d’avions, de pilotes et de sorties, et une disponibilité quasi-inégalable.
Ces campagnes de tir annuelles sont toujours l’occasion de voir tourner les unités à plus de 100% de leur capacité, et le 2/5 Ile-de-France fut particulièrement impressionnant.
Ce fut aussi un grand privilège d’assister à ce ballet l’espace de deux journées.
Remerciements: Au CL Bometon, commandant la base aérienne 126 « Capitaine Preziosi » de Solenzara et au LCL Brunetta, commandant du 2/5 Ile-de-France. Merci au SIRPA-Air et au Bureau des Relations Publiques de la BA 126. Un merci particulier à « Duf » et à « Tino », ainsi qu’à tout le 2/5 Ile-de-France et à l’ESTA 2E005 pour leur accueil bienveillant.
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