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Première des unités des Forces Aériennes Françaises Libres et légendaire Squadron 340, l’escadron de chasse 2/5 Ile-de-France s’apprête à clore un long chapitre de son existence, celui de son compagnonnage avec le Mirage 2000C RDI. A quelques semaines de sa mise en sommeil (qui sera prononcée officiellement le 23 juin prochain) le 2/5 fait front sur ses trois contrats opérationnels. Pour le commandant Alexandre, patron de l’Ile-de-France depuis juin 2021, la tâche en est d’autant plus prenante.
L’EC 2/5 conduit en effet trois missions importantes, chacune d’entre elles nécessitant un investissement total, en lien avec l’escadron de soutien technique aéronautique 2E005 Baronnies : la permanence opérationnelle de défense aérienne du territoire, dite ‘PO’, ne supporterait aucune défaillance, la transformation opérationnelle des jeunes pilotes de chasse conditionne l’activité de cinq escadrons de chasse volant sur 2000 ‘bleu’ et 2000D, et les détachements au service de l’opération Barkhane sont évidemment cruciaux pour le succès des opérations en BSS et la sécurité des militaires engagés au sol.
La surveillance des approches sud de la France est depuis toujours une mission des unités basées à Orange : nul besoin d’expliquer que depuis l’éloignement des menaces au nord-est du pays, c’est surtout de Méditerranée que pourraient survenir des intrusions aériennes potentiellement hostiles. De plus, les interventions au profit d’aéronefs nécessitant assistance sont très fréquentes, celles-ci étant menées conjointement avec le plot MASA tenu par l’escadron d’hélicoptères 1/60 Alpilles.
Pour assurer l’activité aérienne quotidienne de la PO, le 2/5 mobilise en permanence deux avions et deux pilotes, qui sont accompagnés d’une équipe de 5 à 6 techniciens de l’ESTA. Ce personnel vit dans une ‘bulle’ durant toute une semaine, les décollages pouvant intervenir à toute heure et sans préavis, sur un ordre du CDAOA (Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes). Lors de notre reportage du 24 mai ont eu lieu deux décollages de la PO. Après le départ des 2000 RDI et la mise en sommeil de l’Ile-de-France, le dispositif de permanence opérationnelle dans le sud de la France perdurera, évidemment.
La transformation des jeunes chasseurs sur 2000 concentre à peu près un tiers des missions quotidiennes du 2/5, celles-ci étant assurées par des pilotes instructeurs chevronnés. Le parc de Mirage 2000B (7 avions) est utilisé pour ces missions, ainsi que des monoplaces. Une proportion minoritaire des missions de transformation se déroule sur simulateur, sachant que le cursus de ‘transfo’ des pilotes stagiaires consiste en 50 missions, étalées sur quatre mois environ. Il varie un peu car les futurs pilotes de 2000-5 et de 2000D n’effectueront pas les mêmes missions : les pilotes de ‘muds’ travailleront en équipage avec des NOSA formés dans une filière spécifique, d’autre part, ils suivront un complément de formation au sein de l’escadron de chasse 2/3 Champagne, qui a hérité de la mission de feu l’ETD 4/3 Argonne, à Nancy-Ochey.
La période actuelle voit une évolution de la mission de transformation sur Mirage 2000, puisque le 2/5 Ile-de-France prend en charge à la fois des stagiaires émanant de la nouvelle filière PC-21 et des jeunes pilotes issus de la filière Alphajet (qui sera éteinte en 2023). Le capitaine Antonin est arrivé à Orange en provenance de Cazaux avec près de 200 heures de ‘réacteur’ inscrites sur son carnet de vol : sa transfo au 2/5 s’est donc produite sans le saut symbolique ‘hélice-réacteur’. La transition entre Alphajet NG (les avions belges qui ont bénéficié d’une modernisation du cockpit) et 2000B implique une remise à plat du travail dans le poste de pilotage, celui du Mirage étant complètement ‘années 80’ : le traitement des pannes nécessite un apprentissage ardu sur l’ancienne génération, alors que les avioniques modernes facilitent énormément le travail du pilote dans ces phases de vol.
Le lieutenant Julien en est à ses premiers vols sur 2000, au terme d’une formation préalable sur SR-20, Grob 120 et PC-21 : pour lui, au niveau des performances de l’avion, le saut est important mais tout à fait gérable car le PC-21 est très rapide (vitesse 370 kts en palier) et la régulation de la propulsion est proche de celle d’un jet, avec la poussée en moins bien sûr. Il demeure clair que le vol à 500 noeuds occasionne des sensations nouvelles, qui sont intégrées assez rapidement par le stagiaire. Le vol stabilisé à forte incidence, 10° et plus, est également une expérience qu’on ne peut acquérir avant l’arrivée en transfo sur Mirage 2000.
Le 2/5 Ile-de-France contribue depuis 2015 à l’opération Barkhane, la polyvalence du 2000 RDI étant mise à profit pour les missions air-sol. Il a fallu au départ former les pilotes aux disciplines spécifiques de l’appui aérien, avec par exemple la technicité particulière des passes de tir, ou l’utilisation de jumelles de vision nocturne (le cockpit des avions a été traité JVN). Cette fin du mois de mai a vu le retour du dernier détachement du 2/5 en BSS, Barkhane 45, les avions, les pilotes et le staff technique important (20 techniciens de l’ESTA) laissant le détachement 2000D continuer seul la mission d’appui.
Il faut souligner ici l’impact important de ces opérations extérieures pour la formation d’un esprit de corps réunissant les navigants et les techniciens : pendant 2 mois, l’ensemble du personnel nécessaire à la mission vit et travaille en vase clos, une expérience bénéfique pour l’aspect opérationnel, bien sûr, mais aussi pour le ressenti de chacun dans l’exécution d’un métier très exigeant.
A la division ‘2000’ de l’ESTA 2E005 Baronnies échoit la responsabilité de fournir au 2/5 les moyens d’effectuer ses missions. Pour la capitaine Sophie, cheffe de cette division, le dialogue continu avec l’escadron Ile-de-France permet, autant que la compétence des techniciens, d’assurer que ce dernier ait les moyens d’assurer ses trois contrats opérationnels.
Pour un avion en fin de vie, mais toujours performant, la mission de maintien en condition opérationnelle demande un investissement de chaque instant : la maintenance préventive étant effectuée (avec un cycle de 300 heures au niveau opérationnel), une réactivité et une efficacité sans faille permettent de pallier les diverses petites pannes qui émaillent l’activité des Mirage de l’escadron.
Il n’est pas rare qu’un avion entre au hangar à 11 heures et en sorte à 14, si bien qu’en général les missions programmées chaque jour sont effectuées. Il arrive aussi qu’une mission du milieu de journée soit reportée au lendemain, afin d’assurer une mission prioritaire en fin de journée … ou de préserver un avion pour une activité opérationnelle nocturne.
Rude et passionnant métier que de veiller sur une flotte d’avions de chasse trentenaires, la plupart arrivant en butée de leur ‘potentiel constructeur’, soit 6700 heures. Pour la capitaine Sophie, les 2000 sont des avions magnifiques : l’ESTA Baronnies veillera avec passion sur ses ‘bébés’ jusqu’à leur dernier envol de la BA 115.
Sous la houlette de son chef d’orchestre de l’Ile-de-France, le commandant Alexandre, le 2/5 continuera à tenir toute sa place jusqu’à la cérémonie de mise en sommeil, le 23 juin, et pour partie au-delà, jusqu’à la mi-juillet. En plus de conduire avec son unité une activité incessante, le commandant a eu à cœur d’accomplir au mieux une mission difficile : celle d’accompagner le personnel de l’escadron vers de nouvelles affectations, puisque la mise en sommeil du 2/5 s’accompagnera du départ de la plupart des aviateurs vers de nouveaux horizons, militaires ou civils.
Dans le contexte tendu des ressources humaines au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace, concilier les vœux de chacun avec les profils professionnels et les besoins de l’AAE est un exercice qui a demandé de l’intelligence et beaucoup de dialogue. Pour cette mission extra-ordinaire, le commandant Alexandre bénéficiait de l’expérience préalable qu’il avait vécue à Mont-de-Marsan : le patron du 2/5 était en effet affecté au 2/33 Savoie lorsque ce dernier avait été mis en sommeil en 2014. Bis repetita placent ?
Nul doute que le grand 2/5 Ile-de-France ne restera pas sur le banc de touche au-delà de 2024 : l’ex-Squadron 340 suit les traces de son glorieux géniteur, accomplissant ses missions sans faiblir jusqu’au coup de sifflet de l’arbitre …
Alexandre et escadrilles.org
Remerciements : au SIRPA-Air, pour m’avoir accordé ce reportage, et à Marianne pour avoir organisé mon séjour sur le mode VIP. A l’escadron de chasse 2/5 Ile-de-France et à l’ESTA 2E005 Baronnies pour m’avoir accordé du temps avec bienveillance.