Le MACOM (Mando Aereo de COMbate) est le commandement chargé de l’entraînement,du déploiement et de la mise en œuvre opérationnelle de toutes les unités de combat, soutien, contrôle et détection de l’Armée de l’Air Espagnole (Ejercito del Aire – EdA).
Il organise un exercice annuel de DACT (Dissimilar Air Combat Training), à Gando, sur l’île de Gran Canaria, aux Canaries.
L’archipel des Canaries, espagnol depuis le traité d’Alcaçovas de 1479, est situé en plein Atlantique, à 1500 kilomètres au sud de l’Espagne, au large du Sud-Ouest du Maroc. Il est l’endroit tout indiqué pour le DACT, disposant de larges zones dégagées, sans limitation d’altitude, de vitesse ou de possibilités de largage de leurres.
Point névralgique d’un commandement spécifique de l’EdA, le MACAN (Mando Aereo de CANarias), la base de Gando est le pivot d’un dispositif visant à protéger les atterrages maritimes et le trafic commercial important transitant sur son flanc ouest. Elle est en outre un poste avancé vers l’Afrique, notamment dans le cadre des tensions que l’Espagne connaît avec le Maroc, qui remontent au 19e siècle.
Puissance mondiale importante aux 15e et 16e siècles, l’Espagne perdit en effet de son influence au cours du 19e, notamment en raison de la perte de ses colonies, les dernières (Cuba, Philippines, Puerto – Rico et Guam) se séparant de la Couronne en 1898, après la guerre hispano-américaine.
Cependant, à peu près à la même époque, les espagnols prirent possession de territoires au Maroc (Sahara espagnol et Rif), qui connaîtront des agitations, notamment sur le territoire d’Ifni en 1957-1958 et au Sahara Occidental, en 1974-1975. La marche verte, en novembre 1975, va aboutir à ce que les territoires encore sous protectorat espagnol, et notamment le Sahara Occidental, passent sous souveraineté marocaine.
Mais cet accord conduisit à une rebellion d’indépendantistes sahraouis (le front Polisario), soutenus par la Libye et l’Algérie, pour des raisons économiques (la mainmise sur les ressources minérales), politiques (une volonté libyenne et algérienne de déstabiliser le gouvernement marocain), et philosophiques (le Pan-Africanisme cher à feu Muammar Khadafi).
Les appareils basés à Gando interviendront contre le front Polisario. Ces événements sont désormais révolus, mais la base reste en première ligne, l’Espagne et le Maroc étant toujours sous le coup d’un contentieux larvé.
L’affaire de l’ilot Persil (une petite île proche du détroit de Gibraltar, en Méditerranée) en est la plus récente illustration : en 2002, les Marocains ont fait débarquer un contingent militaire sur ce territoire, revendiqué par l’Espagne, pour y établir un poste de contrôle dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine.
Les Espagnols ont en réponse lancé l’opération « Recuperar Soberania », pour laquelle plusieurs bateaux de guerre et les forces spéciales sont intervenus. Finalement, ce sont les Etats-Unis qui assureront une médiation, qui rétablira le statu quo établi avant le débarquement marocain. Mais plus significativement encore, les installations de Gando ont encore récemment été utilisées pour les opérations de l’OTAN en Afrique de l’Ouest, notamment au Mali.
En 2006, l’Espagne a proposé les Canaries pour devenir le Quartier Général de l’AFRICOM, nouveau commandement américain dédié à l’Afrique, mais c’est finalement … Stuttgart, en Allemagne, qui fut choisi. Implantée à Telde, à 25 kms de la Capitale Las Palmas, au même emplacement que l’aéroport civil, la plateforme tient son nom du piton rocheux situé au nord-est de l’aérodrome. Elle accueille actuellement une unité mixte, l’Ala 46.
Le premier escadron (Eon 802) est composé de Casa CN235 et de AS-532 Super Puma, chargés notamment de missions de SAR et de soutien aux unités implantées sur les autres îles de l’archipel, notamment Tenerife et Lanzarote. L’Eon 462 est quant à lui équipé, depuis le début des années 2000, de F/A-18A récupérés en seconde main de l’US Navy, précédemment affectés à Moron, dont les unités sont aujourd’hui passées sur Tifon.
Organisé cette année du 29 février au 11 mars, le DACT a pour objet d’entraîner les participants à des opérations de défense aérienne complexes et variées, dans un contexte international. En fonction des demandes des pilotes participants, les missions peuvent être focalisées tant sur les aspects offensifs que défensifs, en WVR (Within Visual Range) ou BVR (Beyond Visual Range), en insistant particulièrement sur la prise de décision en fonction des moyens disponibles.
Les opérations aériennes modernes impliquent en effet des appareils de différents types, amenés à se déployer vite et loin et travailler ensemble, tout en tenant compte de leurs caractéristiques propres (points forts et points faibles).
Naturellement, les unités espagnoles sont les participants désignés aux opérations, et particulièrement les EF-18 des Ala 12 (Torrejon), 15 (Zaragoza) et les Hornet locaux de l’Ala 46.
Côté Tifon, l’Ala 11 de Moron était présente, l’Ala 14 (Albacete) s’étant montrée plus discrète, puisqu’elle assure actuellement une mission Baltic Air Policing en Lithuanie.
Mais membres de l’OTAN depuis 1982 (après une période isolationniste), et ayant vocation à intégrer pleinement les opérations combinées de cette organisation, les Espagnols sont désireux d’intégrer leurs alliés à leurs manoeuvres annuelles.
C’est pourquoi, la composante aérienne belge a déployé sept F-16 du 2e Wing Tactique de Florennes. L’Armée de l’Air française a quant à elle dépêché 2 Mirage 2000-5 de la 2e EC de Luxeuil, accompagnés de deux Mirage 2000B d’Orange.
Enfin, au nom de la Luftwaffe, c’est le très discret (en nos contrées) TaktLwG 73 de Laage qui a déployé un « Schwarm » d’Eufies.
Côté détection et guerre électronique, un Awacs de Geilenkirchen était stationné en permanence sur la base, et prenait part quotidiennement aux missions. Il était secondé par trois Learjet privés de la GFD, et deux des nouveaux Skyhawk de la compagnie canadienne Discovery Air, basés à Wittmund.
Il semble qu’en seconde semaine, des AV-8 Matador de la base de Rota aient également pris part aux vols. Ce qui est certain en revanche, c’est que les B-52H du 96th BS/2nd BW de Barksdale, dont trois exemplaires sont déployés actuellement à Moron, ont au moins une fois participé aux missions, en qualité de « High Value Asset ». Pour preuve, un survol de la base à basse altitude en en formation, à la fin de la première semaine …
L’exercice est organisé sur une quinzaine de jours, les avions arrivant en général en fin de la semaine précédant le début des vols, afin que le week-end soit consacré à des briefings exposant les modalités des opérations.
Afin d’en maximiser les apports, différents pilotes se succèdent au cours des deux semaines. Classiquement, les opérations se complexifient au fur et à mesure, avec un nombre croissant de participants (jusqu’à 8 contre 8), et l’introduction de ravitailleurs, avions de guerre électroniques, transports …
Dans tous les cas, le tempo est élevé, deux vagues de plus de 20 avions étant lancées chaque jour. La mécanique est à l’instar des pilotes fortement sollicitée, puisqu’il s’agit d’assurer une disponibilité de plus de 90 % des machines déployées.
Il n’est pas prévu de tirs réels, les résultats étant simulés via les techniques de restitution communément employées. Les missions sont planifiées plusieurs mois avant, chaque unité envoyant au MACOM ses objectifs pour la session de l’exercice.
Comme Frisian Flag, le DACT est donc devenu un évènement majeur de l’OTAN … organisé sous des cieux plus enchanteurs que ceux de la Frise …
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Acknowledgements: Special thanks to Alejandro Afonso (The Fighter Community) for his dedication and support.