L’exercice annuel VOLFA qui se tient actuellement en France n’a plus grand-chose à voir avec les ‘VOLFA’ d’ancienne génération. Selon les meilleures sources, VOLFA signifiait à l’origine ‘Vols des forces aériennes’, donc un acronyme pour une activité somme toute générique, qui était concentrée sur une courte période et qui voyait des équipages augmenter leur niveau opérationnel en obtenant de nouvelles ‘étiquettes’ correspondant à la maîtrise de nouvelles missions.
Les VOLFA de nouvelle génération diffèrent dans leur concept : il s’agit aujourd’hui de mobiliser l’ensemble des capacités de l’AAE, et on le fait autour d’un scénario de crise qui constitue la colonne vertébrale des activités aériennes pendant deux semaines et demie. Ces VOLFA sont aujourd’hui classés au niveau ‘expertise’.
VOLFA est l’exercice majeur de AAE, intégré à la préparation opérationnelle des unités, et son scénario général intègre les objectifs de cette préparation opérationnelle, définis au plus haut niveau. Ce scénario prend son inspiration dans les événements contemporains récents puisqu’il a commencé à prendre corps il y a 18 mois.
Le colonel ‘Frédéric’, directeur de l’exercice, indique que VOLFA 2024 est un scénario de haute intensité, qu’il est multi-milieux et multi-champs. L’action se déroule en effet dans les airs, sur mer, sur terre, mais aussi dans l’espace, et comprend des aspects ‘informationnels’ et ‘cyber’. Concrètement, VOLFA 2024 implique directement plus de 1000 personnes et plus de 50 aéronefs de toutes les catégories.
Une grosse composante chasse est centrée sur Mont-de-Marsan, une composante transport à Orléans, une composante hélicoptère est basée à Cazaux. Si l’on ajoute la participation quotidienne d’un AWACS, de ravitailleurs MRTT, d’un avion de surveillance Vador, et de drones Reaper, on commence à avoir une idée du volume de l’exercice VOLFA 2024. La défense sol-air est aussi concernée : l’escadron de défense sol-air 12/950 Tursan déploie des sections de MAMBA.
La position de la France en tant que nation ‘cadre’ au sein de l’OTAN implique la participation de plusieurs nations invitées, avec cette année l’Espagne (F-18 de Zaragoza), l’Italie qui anime le plot Combat Search and Rescue avec ses hélicoptères, le Canada (deux C-130J déployés sur la BA 123), la Grande-Bretagne … et bien sûr la Grèce, venue sur la base aérienne 118 avec quatre Rafale.
Pour compléter le tableau général de l’exercice VOLFA 2024, on doit préciser que le scénario simule un conflit de haute intensité et symétrique entre des Bleus et des Rouges, ces derniers étant équipés d’avions de combat parmi les plus récents dont la gamme Sukhoi presque au complet.
Chronologiquement, VOLFA comprend quelques jours de ‘découverte de l’environnement’ avec des missions simples, puis 2 semaines de ‘haute intensité’ qui voient chaque jour des missions découlant du scénario global. Il s’agit par exemple de la ‘dégradation des capacités de commandement de l’ennemi’ impliquant la destruction de trois de ses 5 centres de commandement.
Après un exposé général de la mission du jour devant les deux communautés, les Bleus et les Rouges, chaque partie effectue sa préparation séparément ; il n’y a plus de communication entre les deux camps. De même, pendant les missions, les deux adversaires ne communiquent pas, ils sont en relation étroite et séparée avec la salle de conduite et de coordination de l’exercice, située au Centre Expert du Combat Collaboratif (CECC) de l’Air Warfare Center (issu de la transformation CEAM).
Le lieutenant-colonel ‘Vincent’, second du CECC, indique que le combat collaboratif est au centre de la conception et de la réalisation de l’exercice VOLFA : la connectivité air-sol à très haut débit, grâce à une liaison 16 au standard le plus récent, permet le suivi instantané de la totalité des participants, de leurs actions, de l’effet de leurs actions. Le CECC permet aussi évidemment la restitution de la mission.
Le scénario et les missions n’incluent que des aspects en lien direct avec les moyens et tactiques opérationnels, selon le concept ‘train as you fight’. Le suivi minutieux de l’exercice au CECC permet l’examen de chaque mission et la modification éventuelles de missions suivantes : si un aspect se déroule mal, il peut être reprogrammé sur une des missions suivantes. C’est une illustration de l’agilité inscrite dans l’ADN de l’exercice VOLFA.
Selon le capitaine ‘Bertrand’, officier de renseignement en charge du scénario de VOLFA 2024, la situation au terme de chaque journée de mission n’est pas déterminée à l’avance. Elle dépend de l’exécution de la mission par les Bleus et de l’efficacité de la défense des Rouges. Lorsque l’exercice démarre, chaque partie dispose d’un potentiel ; la prise en compte des pertes au fur et à mesure du déroulement des missions influe sur les missions suivantes.
Une des nouveautés de l’exercice VOLFA 2024 est l’intégration du concept Morane de mise en œuvre des avions sur des terrains extérieurs, utile par exemple si une des bases de départ est indisponible. Même si le scénario intègre les aspects les plus récents de l’emploi opérationnel des aéronefs, il y a des invariants comme ‘l’entrée en premier’ dans un milieu hostile dense et l’acquisition de la supériorité aérienne.
VOLFA comprend une vingtaine de COMAO de complexité croissante, y compris de nuit, certaines intégrant plus de 20 sorties ‘chasse’, plusieurs sorties ‘transport’, des sorties de forces spéciales ‘Air’, de drones, ainsi que bien sûr les indispensables AWACS et ravitailleurs. C’est le cas aujourd’hui 21 mars, alors que l’exercice arrive au milieu de son déroulement.
La mission du jour se déroule essentiellement au dessus de la zone Krypton sur le golfe de Gascogne, et implique aussi plusieurs zones au-dessus de la terre ; elle voit la participation d’avions de la Marine au départ de Landivisiau. Le scénario est une entrée en premier, mettant aux prises 20 bleus contre 10 rouges, y compris les F-18 espagnols et les Rafale grecs, qui sont ‘rouges’ pour l’occasion.
Tandis que plusieurs dizaines d’opérateurs suivent la situation dans la salle ‘Jeanette’, chacun devant sa console, nous nous trouvons dans une grande pièce attenante où nous assistons au ‘spectacle’ grâce à plusieurs grands écrans. Un ‘cheese’ façon bataille d’Angleterre oppose Bleus et Rouges, parmi lesquels évoluent aussi des agresseurs : Alphajet du 3/8 Côte d’Or et MB.339 de la société ARES.
Comme les photos ne sont pas autorisées, je suggère au lecteur qui veut se figurer la scène de visionner la séquence correspondante des ‘Chevaliers du Ciel’ … sauf que nous avons devant les yeux plus d’une vingtaine d’acteurs. Autre différence importante, la mission se déroule dans un espace aérien de plus de 40 000 kilomètres carrés et les adversaires se combattent à grande distance (plus de 20 nautiques en général).
Lorsque qu’un pilote annonce son tir (simulé), un Range Training Officer (RTO) collationne, analyse le tir, puis valide éventuellement le ‘kill’ … à ce moment, l’avion ‘abattu’ sort du jeu. Il y a un RTO par communauté. Il y a quelques années (c’était la préhistoire), la validation des tirs se faisait sur la foi des paramètres déclarés par le tireur …en fonction des dénégations du tiré. On comprend que le suivi de la mission nécessite un personnel nombreux.
Au terme de notre passage au CECC nous n’en saurons pas plus sur la COMAO en cours, les missions durant plus de 2 heures. Dernier détail quand même : si la plupart des combats aériens se font en fox 3, en ‘BVR’ (beyond visual range), quelques-uns se terminent quand même en rapproché. Inutile d’ajouter que le débriefing d’une telle COMAO est très long et que les données accumulées font leur chemin bien après la fin de l’exercice VOLFA.
Alexandre et escadrilles.org
Remerciements : je remercie vivement le SIRPA-Air de Paris, le bureau de relations publiques de Bordeaux et la cellule de communication de la base aérienne 118 pour leur accueil bienveillant et toutes les facilités offertes pour ce reportage.